L’attaque de la boite à chaussures géante (Le Cadet 97)

Une démographie qui plonge, 60.000 décès du Covid en un mois, une croissance qui patine, une richesse par habitant encore quatre fois inférieure à ses voisins, un pouvoir qui a cédé devant ses Gilets Jaunes et opéré un bord sur bord sanitaire aussi incontrôlé qu’un étage de lanceur Longue Marche rentrant dans l’atmosphère, qui ne peut rien pour aider la Russie et tente de cacher la misère en faisant courir des rumeurs de brouille : nos stratégistes, qui connaissent bien la Chine parce qu’ils y ont passé une semaine en all-inclusive, découvrent un Village Potemkine sur lequel le Cadet, qui la fréquenta il y a plus de trente ans, a déjà écrit [1]. Les mêmes ne s’en excitent pas moins sur l’invasion de Taïwan.

Mais il ne suffit pas, quand on n’a pas de tradition maritime, de copier la classe Forrestal et d’encombrer ses arsenaux comme Napoléon le fit de vaisseaux de 80 canons, sans leurs marins qui pourrissaient sur les pontons de Cornouailles. Et ce n’est pas le folklore chinois sur la croisière de l’Amiral Zheng He et ses navires en bois de 138 mètres – les lois de la physique étant ce qu’elles sont, les puissances européennes n’ont jamais dépassé les 70 mètres – qui peut former des équipages. Quand bien même ces boites à chaussures flottantes seront un jour suffisantes pour projeter une force de débarquement, encore faudra-t-il tenir le corridor et assurer le ravitaillement. Quant à l’aviation chinoise, elle aura le même problème que la Luftwaffe lors de la Battle of Britain, où la supériorité ne se comptait pas en carlingues mais en temps de vol utile au-dessus des objectifs. Les gilets jaunes seront ceux des pilotes pataugeant dans le détroit de Formose, comme barbotaient des Allemands à court de carburant sur le chemin du retour.

On peut toujours fantasmer que la Chine suive les traces de Singapour, qu’un très libéral et mondain chroniqueur du Point décrivait, en 2015, comme un « État fort dont l’indépendance et la probité sont garantis par la revendication de valeurs asiatiques qui font de Singapour, non pas une dictature, mais une démocratie éclairée où les marges de liberté de la société et de l’opposition politique sont strictement contrôlées ». Sauf que Singapour (LV 206) – où le Cadet ne mettait pas plus de cinq minutes pour trouver le micro dans ses chambres d’hôtel – n’est jamais que Pyongyang mais avec le Wifi. « C’est moa que j’suis pour Mao contre Liu Chao Chi, j’ai mon bréviaire de révolutionnaire. Dans tous les bouges moa je bois des quarts de rouge, le quart de rouge c’est la boisson du Garde rouge. » C’est regrettable que Colomb ait buté en 1492 sur ce continent qu’on appelle l’Amérique, ça éviterait d’avoir à redécouvrir Cathay en 2023.

Le Cadet

[1] In La Vigie, Le Cadet n° 68 « Le Grand bond en arrière », février 2020 ; n° 72 « Empire de la déraison », juin 2020 ; n° 85 « Mourir pour Hong Kong », octobre 2021 ; n° 86 « Et maintenant… », décembre 2021.

La question chinoise (LV 197)

La Chine connaît un ralentissement économique soudain, dû en grande partie à une politique brutale de zéro Covid. Cela vient fragiliser un système fondé sur une croissance performante. Cela affecte la posture internationale de Pékin : moins envers l’étranger proche que la mise en œuvre de sa politique mondiale. Ces défis économiques posent des problèmes politiques qui seront au cœur du prochain Congrès du PCC, cet automne.

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LV 193 : Technologiser les armées | Quelle issue à la guerre ? | Lorgnette : la défense de Taïwan

Lettre de La Vigie du 25 mai 2022

Technologiser les armées

La technologisation des armées modernes, censée leur donner un avantage important sur leurs ennemis, montre des signes d’essoufflement avec la campagne d’Ukraine. Déjà menacées par la réponse asymétrique des engins improvisés, ces armées doivent aussi faire face à une tension sur leurs composants élémentaires. Les approvisionnements et leur acheminement ne semblent plus pouvoir être protégés dans un conflit aux répercussions mondiales.

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Quelle issue à la guerre ?

Traditionnellement, les guerres se concluaient par des traités de paix car l’ennemi n’était pas diabolisé. Depuis le XXe siècle, l’ennemi est souvent dépeint comme le mal qu’il faut annihiler : il paraît donc difficile de traiter avec lui. Pourtant, la guerre impose le plus souvent de se terminer et cela passe par des négociations : il faut savoir terminer une guerre.

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Lorgnette : La défense de Taïwan

Le président américain J. Biden a répondu nettement à une question sur l’engagement militaire américain en cas d’une attaque de Taïwan par la Chine : « oui, c’est ce à quoi nous nous sommes engagés » a-t-il dit lundi. Cette déclaration sort de l’ambiguïté usuelle : depuis le Taiwan relation act de 1979, Washington avait toujours laissé une incertitude quant à la nature de son soutien à Taïpei mais aussi de son respect de la doctrine chinoise d’« une seule Chine ».

S’agit-il d’une nouvelle sortie auxquelles J. Biden nous a habitués, usant de mots et d’expressions souvent peu diplomatiques ? En tout cas, son administration a tenu à corriger les propos du président. Plusieurs interprétations sont possibles : il y a divergence de vue entre le président et son administration, ou bien à la suite de l’Ukraine le président veut assurer ses alliés de la solidité de son soutien ou, encore plus subtil, être ambigu dans la sortie de l’ambiguïté envers la Chine.

Une dernière hypothèse n’est pas mentionnée mais est inquiétante : J. Biden se laisse aller à parler sans consulter son entourage, un reproche que l’on avait longtemps fait à son prédécesseur. Ce serait inquiétant.

JOCVP

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Crédit photo :Visual hunt

Mourir pour Hong-Kong (Le Cadet n° 85)

Dans les premiers jours de juin 1989, vivant à San Francisco, je n’avais comme source d’information que BBC World Service qui relatait en direct les massacres de Tien-An-Men avant d’enchîiner, sans transition, sur les premières notes guillerettes d’Out of the Blue qui servent depuis 1948 à annoncer les résultats sportifs de la veille. Les Godons ne seront jamais des gens sérieux. Et puis ce fut le silence des agneaux. Deux mois plus tard pourtant, durant un séjour à Hong Kong, plusieurs banquiers m’annoncèrent une crise financière pour le 2 juillet 1997 en début de matinée : on ne fait pas entrer une dictature sanguinaire au cœur du système financier sans tout casser. Huit ans passèrent, et au jour et à l’heure dite d’ouverture de la bourse de Hong Kong, surlendemain de la rétrocession (la veille avait été férié), tous les marchés d’Asie dévissèrent.

Or en 2021 les analyses argumentées venant d’organismes prestigieux mettent sous cette crise de multiples prétendues causes, bulle immobilière japonaise ou manipulations du bath thaïlandais, mais omettent, y compris dans la chronologie des événements, de rappeler que le 30 juin 1997 à minuit, un régime militaire communiste mit la main sur Hong Kong. La cécité reste totale, l’aveuglement complet, le déni permanent. Tocqueville relevait déjà la fascination pour la Chine des économistes libéraux, ces inventeurs du despotisme moderne [1]. Et il aura fallu plus de trente ans, la crise du Covid et l’impudence des diplomates de Pékin, pour que les Occidentaux fassent semblant de redécouvrir que la Chine, ce n’est jamais que la Corée du nord avec l’électricité [2]. Et encore.

Car avec un EPR qui fuit, des métros sous l’eau, des barrages sur le point de céder, un rationnement et des coupures d’énergie, un immobilier qui s’effondre, une démographie qui fait de même, une population majoritairement hors du temple de la consommation, comment ne pas sourire au spectacle ridicule d’une armée d’opérette qui se vante de pouvoir prochainement réussir dans le détroit de Formose ce que Napoléon et Hitler ratèrent naguère dans le Channel ? Nombreux sont d’ailleurs les Chinois qui prédisent une chute prochaine [3].

Mais ce sera trop tard pour Hong Kong sacrifié à un remake inversé du péril jaune de nos arrières grands-parents, tout aussi fantasmé, par des Occidentaux qui, pour reprendre le mot d’un personnage emblématique de l’humour britannique, le Colonel Blimp de David Low, ont depuis longtemps fait le choix irrévocable de se laisser guider d’une main ferme par les circonstances.

Le Cadet

[1] L’Ancien régime et la Révolution, Livre III Chapitre III, 1856.

[2] Voir Le Cadet, dans la Revue Défense Nationale n° 768, « Le monde d’avant-demain », mars 2014 ; sur La Vigie, « Le grand bond en arrière », n° 68, février 2020 ; « L’empire de la déraison », n° 72, juin 2020.

[3] Lire du professeur Xu Zhangrun, Alerte virale, quand la colère est plus forte que la peur, R&N Editions, 2021.

La Vigie n° 155 (GRATUIT) : Après Hong-Kong, Taïwan ? | La nouvelle doctrine Macron | Lorgnette : Soudan russe

Lettre de La Vigie n° 155 du 25 novembre 2020

Après Hong-Kong, Taïwan ?

Après l’abrogation anticipée de la Loi Fondamentale à Hong Kong et la promulgation de la Loi sur la Sécurité Nationale, le 1er juillet 2020, Pékin a affaibli sa crédibilité internationale tout en adressant un signal clair sur la manière retenue afin de régler des différends à caractère international, considérés par le Parti Communiste comme des affaires intérieures chinoises. Dans un contexte stratégique instable, où les relations entre la Chine et les États-Unis ne manqueront pas de connaitre des tensions, la normalisation du statut de Taïwan est une question à laquelle les meilleures chancelleries doivent se préparer de manière concertée, au risque de se retrouver à nouveau dépourvues.

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La nouvelle doctrine Macron

Le récent entretien donné par le Président de la République sur la politique étrangère constitue une “doctrine Macron”. Le diagnostic est clair et témoigne d’une belle évolution. La dénonciation d’un consensus de Washington est lucide, l’appel à l’autonomie stratégique européenne est précisé, la désignation d’un axe euro-africain marque une priorité . Il reste que ce discours brillant manque peut-être de pédagogie avec nos voisins et partenaires et masque difficilement les limites de la mise en œuvre de cette ambition.

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Lorgnette : Soudan russe

La Russie semble partout. On la voit en Syrie, dans le Caucase, en Libye, en Égypte (LV 99) pour n’évoquer que des pourtours méditerranéens. Voici qu’elle vient de signer un accord pour établir une base navale au Soudan. Cela témoigne d’une « grande stratégie » qui articule plusieurs éléments : d’abord, le retour en Afrique que l’on constate depuis de longues années, avec des actions en RCA et des liens plus solides avec diverses puissances du continent. Ensuite, une ouverture obstinée vers des « mers chaudes », en l’espèce l’océan Indien. Quand Chine et Japon ont établi des bases à Djibouti, Moscou s’installe un peu plus au sud, permettant ainsi un relais vers l’Afrique de l’Est et l’Indo-Pacifique. Notons enfin la consolidation d’une puissance maritime renaissante, densifiée encore par l’ouverture du passage du nord.

Du point de vue soudanais, alors que le régime transitoire a vu le départ d’Omar el Béchir (voir billet et LV 123), l’ouverture du jeu est manifeste : il s’agit de trouver des relais hors des parrains américains et séoudiens (même si Khartoum s’est rapproché d’Israël). Mais aussi de peser face à des voisins problématiques (Soudan du sud, Égypte, voire Éthiopie et Tchad).

JOCV

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Crédit photo : Le grand continent

Après Hong-Kong, Taïwan ? (LV 155) (gratuit)

Après l’abrogation anticipée de la Loi Fondamentale à Hong Kong et la promulgation de la Loi sur la Sécurité Nationale, le 1er juillet 2020, Pékin a affaibli sa crédibilité internationale tout en adressant un signal clair sur la manière retenue afin de régler des différents à caractère international, considérés par le Parti Communiste comme des affaires intérieures chinoises. Dans un contexte stratégique instable, où les relations entre la Chine et les États-Unis ne manqueront pas de connaitre des tensions, la normalisation du statut de Taïwan est une question à laquelle les meilleures chancelleries doivent se préparer de manière concertée, au risque de se retrouver à nouveau dépourvues.

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Face au virus : premières leçons d’Asie (LV 139)

Deux semaines après le confinement de l’ensemble de la population française, beaucoup de choses ont été dites sur les dispositions adoptées dans certains pays d’Asie pour endiguer l’épidémie due au Covid-19. Si les succès rencontrés par Singapour, Hong Kong, Taïwan, la Corée du Sud ou encore le Japon pour faire face à la première vague de l’épidémie sont indéniables, ils relèvent d’un état de préparation élevé des administrations, des forces de réaction et des populations à la gestion d’une crise probable aux conséquences potentiellement sévères. La vitesse fulgurante à laquelle s’est diffusée cette pandémie, des informations lacunaires en provenance de Chine ainsi qu’une coopération internationale entravée n’ont pas laissé d’autre choix à la plupart des pays européens que le confinement. Ces premières leçons d’Asie devront être rapidement apprises par tous, individuellement et collectivement, pour éviter qu’une telle surprise stratégique ne se reproduise dans le monde nouveau à construire dès le jour d’après.

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Bruits de bottes en Asie ? (P. Tran Huu)

Notre expert partenaire, Pascal Tran Huu, nous propose un intéressant billet sur les incidents des mers de Chine. Merci à lui. JDOK

L’Amiral SHI-LANG était un officier sous les dynasties MING et QING.  Comme commandant de la flotte mandchoue, il a conquis l’île de Formose en 1683 et en devint l’un des premiers gouverneurs.  Il est l’un des rares à avoir obtenu un titre de Marquis transmissible héréditairement. (Dans la Chine impériale, les titres de noblesse étaient accordés à une personne, ses descendants devaient faire preuve de mérite pour se voir anoblis de nouveau par l’Empereur).  L’Amiral Shi-Lang a, d’ailleurs, fait l’objet d’une série télévisée en 2006 et de quelques films qui ont eu un énorme succès en Chine continentale mais beaucoup moins à Taïwan…Dans un contexte de regain de nationalisme, il n’est guère étonnant que le premier porte-avion chinois ait reçu, dans un premier temps, le nom de l’amiral avant de devenir le Liaoning.  Le retour de cet amiral impérial dans l’imaginaire collectif chinois permet, par la même occasion, à la Chine de conforter et de justifier sa position en Mer de Chine méridionale ce qui n’est pas sans inquiéter les Etats-Unis et ses alliés. Pour autant, doit-on craindre l’émergence d’un conflit de haute intensité dans les années à venir ?

Source

Il faut, avant tout, (cliquer pour lire la suite) Continue reading « Bruits de bottes en Asie ? (P. Tran Huu) »