Heureux de publier cet article de fond sur des impératifs stratégiques évidents, mas rarement conjugués… Merci Étienne Patry, notre chercheur associé… LV.
Depuis maintenant une dizaine d’années, le ministère des armées s’est lancé dans des actions de développement durable, matérialisées notamment dans une stratégie défense durable en 2016, une stratégie énergétique défense en 2020 et un éclairant thématique produit par le CICDE en 2021 sur les enjeux particuliers pour les armées induits par le changement climatique. Au tout premier abord il peut paraître assez paradoxal de considérer qu’un tel ministère responsabledans la stratégie de défense d’un État de la part de l’action violente de forces armées, puisse s’approcher de telles considérations[1]. En effet, d’une part la guerre en elle-même est le symbole du « non durable » par les destructions et les pollutions qu’elle engendre nécessairement quelques soient les précautions prises, d’autre part les équipements et armements doivent être conçus dans la logique de l’efficacité opérationnelle en priorité, ce qui suppose en première approche assez peu d’égard à l’endroit du développement durable. Il serait même dangereux de s’engager dans une voie dogmatique qui pourrait affaiblir durablement nos capacités de défense[2]. Les marges de manœuvre pour faire coexister une stratégie de développement durable et une stratégie de défense sont donc étroites.
La conjonction de la pandémie mondiale et de la guerre en Ukraine a fait basculer le monde dans un deuxième XXIe siècle aux contours confus. La conflictualité libérée est désormais auto-entretenue et la planète de 8 milliards d’habitants ne bénéficie plus du recours aux régulateurs hérités du XXe siècle qui avaient permis d’aborder en sûreté relative la fin de la Guerre froide. Ce dangereux basculement dans la jungle stratégique semble irréversible. La France doit prendre en compte cette nouvelle réalité stratégique.
En stratégie et en relations internationales, les mots comptent. Or, le discours contemporain ne cesse d’utiliser des mots qui reposent sur des conceptions passés et qui n’aident pas à comprendre, partant à résoudre, les conflits du moment : Guerre, Paix, Droit de la guerre, victoire, territoire, négociation en sont les exemples les plus frappants.
Le décès de Joseph Ratzinger marque la fin d’une époque. Voici en effet un pape qui aura été le dernier moderne.
L’intellectuel progressiste de l’après-guerre, acteur influent du concile Vatican II, s’était peu à peu transformé en gardien rigoureux d’une ferme tradition catholique. Élu pape sans l’avoir désiré, mal à l’aise avec les médias, il choisit le nom de Benoît en référence à Benoît XV et ses tentatives de paix lors de la 1ère guerre mondiale et à Saint-Benoît, patron de l’Europe : un pape très européen, finalement, peu en phase avec la planétisation du monde qui l’entourait.
C’est au fond le dernier moderne : il a prêté sa plume à Jean Paul II pour l’encyclique Fides et ratio de 1988, qui reflétait parfaitement son esprit rationnel. Il était déstabilisé par le monde contemporain, post-moderne, où l’émotion et la mousse médiatique prédominent sur la recherche du vrai. Aussi retiendra-t-on surtout son « renoncement » à l’état papal en 2013, laissant le siège de Pierre à un successeur plus à l’aise avec les nouvelles conditions du moment. Cet intellectuel n’était ni pleinement pasteur, ni véritable homme de pouvoir. Exemple rare d’un homme parvenu au sommet sans l’avoir recherché.
JOCVP
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Depuis quelques années, sous l’impulsion conceptuelle américaine, un nouveau champ stratégique s’est ouvert : celui de la Stratcom (strategic communication). Derrière ce mot valise se cache un domaine vaste que son nom ne laisse malheureusement pas distinguer au premier abord. Or sous peine d’un manque d’efficacité lors des opérations ou d’incompréhension voire de malentendu entre alliés faute d’une sémantique partagée, il s’agit d’abord pour le stratège de bien délimiter son champ d’application, autrement dit définir un cadre d’emploi, et à organiser en conséquence selon le traditionnel acronyme DORESE, les capacités militaires afférentes.
La guerre d’Ukraine semble stabiliser les fronts ce qui constitue un revers pour la Russie et un succès ukrainien. Les conséquences stratégiques en seront durables, notamment en enracinant l’opposition de l’Occident à son voisin moscovite. Pour autant, cette guerre n’est pas en soi un tournant mais l’ultime révélateur d’une crise multiforme qui a bouleversé notre monde stratégique depuis dix ans.
La corruption, qui n’est généralement pas comptée dans les fondamentaux de la stratégie, s’invite pourtant dans les débats, dès qu’il s’agit de la mettre en œuvre : le corrupteur incite ceux qu’il corrompt à calquer leur stratégie sur la sienne, ou du moins à les rendre compatibles. Les stratégistes sont également concernés, car leurs appréciations de la situation peuvent être biaisées ou corrompues, les rendant ainsi moins pertinentes.
Ah, chère novlangue… elle qui propose des points de vue simultanés et contradictoires. Un délice en deux exemples récents.
La COP27 a lieu actuellement à Charm-el-Cheikh et les pays développés aimeraient que les économies émergentes arrêtent enfin leur consommation frénétique d’énergies hydrocarbures – pendant que l’Occident rouvre des centrales à charbon, que l’Europe construit des terminaux GNL et achète du gaz de schiste aux USA.
La ministre allemande de l’intérieur, Nancy Faeser (SPD) s’est fendue d’une critique à l’égard du Qatar et de sa manière de protéger les droits de l’homme, deux semaines avant le début de la coupe du monde de football.
Réaction du ministre qatari des affaires étrangères, Mohammed bin Abdulrahman Al Thani, dans un entretien accordé à la Frankfurter Allgemeine Zeitung : il se sent irrité par la double morale allemande, qui ne voit rien à redire au Qatar quand il s’agit d’évacuer des ressortissants en urgence d’Afghanistan ou d’acheter du gaz ou du pétrole qataris, mais qui monte sur ses grands chevaux quand il s’agit de sport…
Ne nous moquons pas trop : que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre.
JOCVP
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Aux résultats à la mi-2022, la guerre en Ukraine apparaît comme un accroc majeur dans la trajectoire de la sécurité européenne 30 ans après la Guerre froide: une Ukraine qui souffre, une ligne de front à vif au cœur d’un continent qui se congèle, une réunification européenne ajournée, une Russie qui tourne le dos à l’Europe et s’engage dans de nouveaux horizons asiatiques coopératifs. La France qui ne peut s’en satisfaire doit garder sa liberté de réflexion et de proposition face à cette discontinuité stratégique. Cette guerre est d’abord une question de sécurité européenne, à traiter d’abord entre Européens. Peut-on encore, par un vrai confinement stratégique mieux coordonné, forcer la Russie à accepter un cadre de cohabitation plus coopératif en Europe? C’est en répondant à cette question que la France pourra réviser sa posture militaire et éviter le piège anachronique d’un toilettage capacitaire massif.
La Chine connaît un ralentissement économique soudain, dû en grande partie à une politique brutale de zéro Covid. Cela vient fragiliser un système fondé sur une croissance performante. Cela affecte la posture internationale de Pékin : moins envers l’étranger proche que la mise en œuvre de sa politique mondiale. Ces défis économiques posent des problèmes politiques qui seront au cœur du prochain Congrès du PCC, cet automne.
Que nous dit l’épisode de canicule que viennent de connaître la France et l’Europe ? D’abord, la réalité du changement climatique, désormais mesurable par chacun, à hauteur d’expérience humaine. La nouveauté de l’épisode en cours tient à sa brutalité, ce qui le change radicalement des variations climatiques que la terre a connues dans le passé et qui s’étendaient sur des centaines et des milliers d’années. La cause en est très certainement aussi humaine.
Observons d’ailleurs qu’elle coïncide avec le développement de la mondialisation, dans les années 1980 : la sortie du tiers-monde par l’émergence et la transformation de pays nombreux en ateliers de fabrication a suscité production, échanges et consommation. La canicule est le pendant de notre prospérité. Et si la Chine est à l’origine de 30 % des gaz à effet de serre de la planète, c’est qu’elle produit pour le consommateur occidental.
Symboliquement, cette canicule est aussi le reflet du dérèglement politique et économique du monde. Guerres et conflits font toujours rage (Ukraine, Yémen, Sahel) et les émeutes populaires se multiplient (Sri Lanka, Panama). Partout, la planète connaît un coup de chaud.
C’est inquiétant.
JOCVP
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La guerre en Ukraine pousse à s’intéresser à la Finlande : ce pays voisin de la Russie lui a tout d’abord résisté au cours d’une guerre, a préservé son indépendance tout au long de la guerre froide, s’est admirablement développé à la fin de celle-ci, a rejoint l’UE et s’apprête à rallier l’Alliance. Ce parcours peut-il constituer un modèle pour l’Ukraine ?
Avec plus ou moins de réussite, les juristes ont toujours tenté de bâtir un corpus juridique afin de limiter les dommages et souffrances occasionnés par les guerres. Le corpus actuel, complexe, bien que n’étant pas admis par tous les États, peut-il être utile dans le conflit en cours entre la Russie et l’Ukraine ?
Jacques Perrin était un homme de cinéma : on pense à Cinéma Paradiso, au merveilleux L’empire du milieu du sud sur l’Indochine et bien sûr à Microcosmos. Mais le stratégiste retiendra surtout ses films militaires : la 317ème section restera l’un des meilleurs films de guerre jamais tournés qui témoigne de la vie d’un lieutenant à la tête de sa section en Indochine. L’honneur d’un capitaine montre les mêmes défis, cette fois-ci au niveau d’un commandant d’unité pendant la guerre d’Algérie. Deux films tournés sous la direction de Pierre Schoendorffer La légion saute sur Kolwesi est plus anecdotique.
Cette réalité de la guerre, à hauteur d’homme, est évidemment passionnante et quiconque a commandé des hommes s’y retrouvera. Le cadre de ces conflits difficiles méritait quelque chose de plus politique : l’inoubliable Crabe-tambour, avec J. Rochefort et J. Dufilho, donnera avec délicatesse un aperçu des dimensions politiques de la guerre, jamais très loin du commandement. Entre l’épaisseur charnelle et humaine du terrain et l’objectif plus aveugle et indifférent du politique, c’est toute la dimension complexe de la guerre qui a été ainsi rendue.
Merci M. Perrin de l’avoir si simplement montré. Reposez en paix.
JOCVP
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Alors que la « pause estivale » occulte l’actualité internationale en France, les affaires sérieuses continuent de se dérouler ailleurs. Voici donc une série d’instantanés stratégiques sur les frictions du monde : Tunisie, Afghanistan, Yémen, Polynésie, Pegasus, Sahel.
Mer, montagne et désert, le Maroc offre de multiples visages. Sultanat puis royaume pluriséculaire à l’histoire brillante et au riche patrimoine, c’est un pays à visiter pour comprendre les enjeux du Maghreb et de l’Afrique. Découvrez le Maroc en novembre prochain avec le Pr Kader Aberrahim et nos partenaires de Conflits et d’Ictus Voyages. Voici donc le premier voyage d’étude géopolitique de La Vigie !
Lors de ce périple, vous serez accompagnés de guides francophones ainsi que de Kader Abderrahim, professeur à Science Po, directeur de recherche associé à La Vigie et auteur à Conflits. Il a notamment publié une Géopolitique du Maroc dont nous avons rendu compte (ici). Deux rencontres avec des personnalités marocaines sont prévues, à Marrakech et Tanger, pour échanger sur les grands enjeux géopolitiques du pays. Outre les sites historiques du Maroc, une visite commentée de Tanger Med, premier port d’Afrique, est également organisée. Renseignements et inscriptions ici.
Les transports sont effectués en autocar grand tourisme et les nuitées assurées en hôtel 4 étoiles.
Lectures d’été
Pour votre été, nous vous proposons de lire : Le versant du soleil (R. Frison-Roche) – It doesn’t take a hero (HN Schwarzkopf) – Unité 8200 (D. Alfon) – Quand la France commence-t-elle ? (B. Lançon) – Guerres invisibles (Th. Gomart) – Non-retour ( Jusseaume et alii).
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