Voici un survol de l’histoire européenne pour les amnésiques et les myopes d’aujourd’hui.
Il leur rappellera les enclenchements bellicistes des passions nationalistes et idéologiques du continent européen, dans la grande Europe de l’Atlantique à l’Oural : la dépêche d’Ems (1870), l’attentat de Sarajevo (1914), le pacte germano-soviétique suivi de l’invasion de la Pologne (1939), la création du rideau de fer à Berlin (1961), sa chute (1989) et aujourd’hui l’opération spéciale russe en Ukraine, guerre fratricide déclenchée il y a un an (2022).
A chacune de ces étapes tragiques sont associées des régulations réalistes, des rêves de paix et des reprises de feu, car les ambitions et les frustrations des hommes étaient mal éteintes par la crise précédente. A chacune de ces flambées, on a entendu des faiseurs de paix prophétiques ou cyniques et des fauteurs de guerre opportunistes avec leurs arrière-pensées et leurs agendas plus ou moins cachés.
Cette année, l’Algérie fête le 60e anniversaire de son indépendance. Une telle date offre le prétexte à publications et si le déroulement de la guerre d’indépendance est appréhendé, la question qui s’impose depuis des années des deux côtés des rives de la mer Méditerranée est celle de la mémoire. Une mémoire de la guerre confrontée à l’histoire, deux notions en concurrence, sujettes à des enjeux éminemment politiques.
L’Histoire qui ne se répète jamais ne cesse de se continuer, même sous la pandémie de Sras-Cov-2. Cela vaut en Europe comme en Chine, deux foyers de civilisations à la mémoire longue et à l’expérience riche en épisodes troublés. Cela vaut aussi aux États-Unis, nation essentielle d’un Occident éclaté qui n’ont pourtant ni le recul ni l’expérience des vieux continents et ne sont plus aujourd’hui l’hyperpuissance qu’ils furent.
Dire la France est aujourd’hui beaucoup moins évident et partagé qu’hier. De nombreux hiatus existent, entre générations, entre populations. Au-delà, c’est une compréhension commune de la géographie, de l’histoire et de l’État, ces trois piliers de la personne France, qui semble ne plus être partagée. En prendre conscience est indispensable avant de lancer tout projet de grande stratégie.
Dans une situation stratégique aussi fluide, comment garder le bon cap ? Comment conduire une manœuvre efficace ? Comment se débarrasser de biais stratégiques intempestifs ? De l’Europe à l’Afrique, la pratique est difficile, les difficultés se suivent et se ressemblent.
Angela Merkel quitte le pouvoir : nous ne la regretterons pas. Cette politicienne au sang froid savait tuer ses rivaux politiques. Excellente pour arriver au pouvoir et s’y maintenir, mais ô combien décevante depuis qu’elle y régnait. Certes, son côté mesuré, nuancé et « comme il faut » a plu au notable français, impressionné par cette retenue germanique qu’il prend pour de la saine rigueur. Et pourtant… elle a systématiquement décidé tard, prenant toujours le temps de laisser se pourrir les situations avant de se prononcer, du bout des lèvres. Les quelques fois où elle s’est laissé guider par l’instinct, ce fut catastrophique : que ce soit la décision d’arrêter le nucléaire après Fukushima ou celle d’accueillir un million de migrants au cœur de l’été 2015.
Bien sûr, sa politique n’est peut-être pas néfaste pour l’Allemagne dont elle a su toujours préserver les intérêts de court terme et l’idéal de petit rentier satisfait et vieillissant. À l’extérieur, ce fut pire. On la présente comme pro européenne : ce fut la plus germanolâtre des dirigeants allemands depuis la guerre. Pire : Pas un dirigeant français pour s’en apercevoir.
Tschüss Angèle, tu ne nous manqueras pas.
JOCV
Abonnés : cliquez directement sur les liens pour lire en ligne ou téléchargez le numéro pdf (ici), toujours avec votre identifiant/mot de passe. Nouveau lecteur : lisez l’article au numéro, en cliquant sur chaque article (2,5 €), ou alors en vous abonnant (abo découverte 17 €, abo annuel 70 €, abo. orga 300 € HT) : ici, les différentes formules.
Crédit photo : Black nexus.cz Photography on Visualhunt
Dire la France est aujourd’hui beaucoup moins évident et partagé qu’hier. De nombreux hiatus existent, entre générations, entre populations. Au-delà, c’est une compréhension commune de la géographie, de l’histoire et de l’État, ces trois piliers de la personne France, qui semble ne plus être partagée. En prendre conscience est indispensable avant de lancer tout projet de grande stratégie.
Comment interpréter la guerre civile du Ruanda qui a conduit au génocide que l’on sait ? Un récent rapport a tenté de faire le point. Nous l’avions évoqué en parlant de la confrontation de la mémoire et de l’histoire (voir billet), registre souvent confondu dans les commentaires entendus ces dernières semaines. Il nous a semblé important de rendre compte du livre d’un acteur de l’époque, le GCA (2S) Delort. Martine Cuttier et Jean Dufourcq signent ce billet, merci à eux. LV
Début mars 2021, les Mémoires du général (2S) Dominique Delort paraissent peu avant la remise, fin mars, du rapport Duclert sur le Rwanda au président de la République. Tous deux éclairent un épisode aussi sensible pour les militaires que précieux pour les sociologues, politologues et historiens des questions militaires. Il s’agit en effet du rapport, en temps de crise, entre pouvoir et armées, celles-ci formant avec la diplomatie l’instrument de conduite par l’exécutif de la politique étrangère.
Fidèle contributrice à La Vigie, auparavant enseignante à l’université de Toulouse, Martine CUttier nous propose ses réflexions sur les questions actuelles de la mémoire…. Merci à elle de cette contribution à un débat apaisé. LV
Depuis son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron cherche à trouver une issue à l’épineuse question liée à deux moments de l’histoire contemporaine de la France. Il y a d’abord l’Algérie puis le Rwanda. Dans les deux cas, il a commandé des rapports à des historiens.
L’Élysée a confié à un universitaire le soin d’une mission sur la Guerre d’Algérie, un universitaire algérien étant chargé d’une mission similaire à Alger. Ces deux exercices paraissent un peu vains tant ils se focalisent sur une seule période. Surtout, d’un côté les Français ne veulent plus en entendre parler et sont tournés vers autre chose tandis que le sujet est pour l’exécutif algérien un droit de tirage moral imprescriptible depuis l’origine, même si la population du pays est connectée au monde et rêve surtout qu’on lui parle d’avenir et non du passé. Il vaudrait mieux préparer l’avenir et imaginer la façon dont on pourra faire mieux converger les destinées des deux rives.
This content requires that you purchase additional access. The price is 3.00€ 3.00€ or free for our Abonnement 3 mois et Abonnement 1 an members.
Les derniers événements de Catalogne, tout comme la volonté de plusieurs pays d’Europe centrale de retrouver le contrôle de leurs frontières, ne sont pas sans rappeler un épisode historique analogue : celui de la grande crise du IIIe siècle qui ébranle l’Empire romain entre 235 et 284 après J-C. En un temps d’importante instabilité politique (le règne des empereurs dure deux an et demi en moyenne et le Sénat a été réduit à une chambre d’enregistrement), la crise financière se conjugue aux migrations massives pour ébranler l’Empire. C’est alors que les deux provinces les plus exposées militairement font sécession. Il s’agit de la Syrie, soumise à la pression des Perses, qui s’émancipe sous la conduite de la Reine Zénobie. Celle-ci fonde l’Empire de Palmyre en Orient.
A l’autre bout de l’Empire, la Gaule – soumise aux invasions germaniques – se sépare elle aussi de Rome, sous la conduite du Général Postumus, qui crée l’Imperium Galliarum (260-274 ap. J-C). Ces tendances centrifuges s’expliquent par l’incapacité de la bureaucratie romaine de répondre aux nouveaux défis. Le troisième siècle romain, tout comme l’histoire des émiettements politiques – par exemple, celui des reyes de taïfas dans l’Espagne médiévale – nous invitent par conséquent à une réflexion prospective sur le positionnement des futures lignes de fracture en Europe. Une chose paraît probable en tout cas : si les velléités de sécession de la Catalogne avaient été combinées à une déviation des flux migratoires vers l’Espagne, celle-ci aurait déjà perdu une province à l’heure qu’il est.
Thomas Flichy de La Neuville
Opt-out complete; your visits to this website will not be recorded by the Web Analytics tool. Note that if you clear your cookies, delete the opt-out cookie, or if you change computers or Web browsers, you will need to perform the opt-out procedure again.
You may choose to prevent this website from aggregating and analyzing the actions you take here. Doing so will protect your privacy, but will also prevent the owner from learning from your actions and creating a better experience for you and other users.
The tracking opt-out feature requires cookies to be enabled.
Abonnez-vous !
Nous espérons que nos articles vous auront satisfait, et vous remercions pour l’intérêt que vous portez à notre publication.
Pour en lire plus, n’hésitez pas à vous abonner à notre lettre d’analyse stratégique bi-mensuelle.