On croit souvent que tout part de l’histoire. Erreur profonde si elle oublie la géographie, ce que Fernand Braudel ou Yves Lacoste, dans un style différent, avaient déjà dénoncée. Un héritier reprend le plaidoyer pour une brève apologie des sciences sociales en général et de la géographie en particulier. Merci à lui. JDOK
Avant de faire réfléchir à la défense intérieure de la France, je voudrais rappeler le parcours d’un officier non-conformiste (termes utilisés par la bio officielle, sur la page de la Fondation Charles de Gaulle) entre Première et Seconde guerres mondiales. De retour de captivité en Allemagne, il y a bientôt un siècle, le capitaine de Gaulle s’apprête à partir en Pologne. Comme conseiller militaire, il s’insère dans l’état-major d’un groupe d’armée, en marge de la guerre civile qui déchire l’ex-empire russe. Au bout de deux ans, il revient donner des cours d’histoire à Saint-Cyr, puis réussit le concours de l’École de guerre (1922). Se succèdent ensuite les mois passés à Mayence, le Conseil Supérieur de la Guerre présidé par le maréchal Pétain (lui même ancien professeur à l’École de guerre), la préparation des cours, la rédaction d’articles et de livres sur la Défense nationale. Le retour en unité (Trêves, Metz) n’empêche jamais par la suite l’officier de réfléchir à la stratégie française : au Levant ou en métropole. (…)
L’été est l’occasion de relire les classiques, ou tout simplement de les découvrir (voir la lecture faite de La Boétie dans égéa). Thomas Flichy de La Neuville, parrain fidèle de La Vigie, nous livre ici quelques leçons tirées du Cardinal de Retz, fameux mémorialiste du XVIIè siècle. Merci à lui. JDOK
Jean-François de Gondi se savait trop léger pour prétendre s’emparer du pouvoir. Cet agitateur professionnel nous a pourtant légué, au fil de ses Mémoires, quelques traits extraordinairement lucides sur la métamorphose d’un l’État en temps de guerre civile.
L’une des caractéristiques de la Fronde fut en effet de mêler très étroitement la bataille judiciaire à celle des rues, et il ne fut pas rare de voir des robins abandonner soudainement le prétoire pour tirer l’épée. Ils n’étaient d’ailleurs pas seuls à se battre en un temps où l’on voyait des enfants de cinq et six ans avec les poignards à la main. C’étaient leurs propres mères qui les leur apportaient[1]…
Ceci amène le cardinal de Retz à décrire crûment la déliquescence des pouvoirs publics : « Le dernier point de l’illusion en matière d’État, est une espèce de léthargie qui n’arrive jamais qu’après les grands symptômes. Le renversement des anciennes lois, l’anéantissement de ce milieu qu’elles ont posé entre les peuples et les rois, l’établissement de l’autorité purement et absolument despotique »[2].
Le mémorialiste en profite naturellement pour attaquer les actions d’intoxication du camp adverse, incarné par Mazarin, qui promit tout car il ne voulut rien tenir[3]. En effet, comme le grand secret de ceux qui entrent dans les emplois est de saisir d’abord l’imagination des hommes par une action de circonstance[4], les bruits les plus spectaculaires ne pourraient être qu’écrans de fumée. Le vieux Prince d’Orange disait que le moment où l’on recevait les plus grandes et les plus heureuses nouvelles était celui où il fallait redoubler son attention pour les petites[5].
Encore fallait il constituer une opposition solide au pouvoir royal, ce qui n’était pas le cas du Parlement de Paris sujet aux pressions comme aux divisions. Gondi se fait la réflexion qu’on a d’ordinaireplus de peine dans les partis, à vivre avec ceux qui en sont, qu’à agir contre ceux qui y sont opposés[6]. N’est on pas plus souvent dupé par la défiance que la confiance[7] ? Le cardinal de Retz se défie du clergé qui donne toujours l’exemple de la servitude, et la prêche sous le titre d’obéissance[8]. Enfonçant plus avant la pointe, il ajoute n’y a t’il rien de si juste à l’illusion que la piété[9]?
Cerné de toutes parts, il ne reste plus au coadjuteur de Paris que de se reposer sur des intelligences plus ternes que la sienne mais plus persévérantes : Brion avait fort peu d’esprit ; mais il avait beaucoup de routine, qui en beaucoup de choses supplée à l’esprit[10]. L’appui de ces travailleurs fidèles ne fut pas suffisant pour lui éviter son éloignement définitif de la Cour. D’où une réflexion ultime dont la profondeur fut creusée à la solitude : « Il y a des temps où la disgrâce est une manière de feu qui purifie toutes les mauvaises qualités et qui illumine toutes les bonnes »[11].
TFLN
[1] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 127
[2] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 90
[3] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 88
[4] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 58
[5] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 248
[6] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 138
[7] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 20
[8] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 66
[9] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 20
[10] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 42
[11] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 62
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