Analyses initiales et perspectives régionales post-Barkhane

Voici la dernière tribune de notre dossier Mali (ici), co-publié avec la RDN. LV

La veille du coup de force du 24 mai, La Vigie a présenté au Forum de Bamako une analyse et les recommandations sur la sécurité au Mali que voici. L’évolution de la situation depuis lors (dossier Mali) a donné un relief particulier à ces préconisations au regard des projets prêtés au colonel Goïta (tribune 1) et des calculs probables de l’imam Mahmoud Dicko (tribune 2).

Analyse sécuritaire du Mali dans la sous-région au printemps 2021

La situation qui prévaut au coeur de la région saharienne est celle d’une transition politique rapide entre des pouvoirs anciens et affirmés qui ont été éliminés, au Mali, au Niger et au Tchad, et des équipes de transition ou de remplacement à base militaire arrivées pour exercer par défaut un pouvoir transitionnel.

Au Mali où l’essentiel des problèmes sécuritaires se focalise aujourd’hui dans la « zone des trois frontières », la situation est critique avec une tension vive exercée par des groupes armés que les forces extérieures de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, déployée depuis 2013) et de Barkhane n’arrivent pas à contrer. Un sentiment d’échec prévaut. Au Nord du Mali, les trois pays du Maghreb central connaissent un regain de tension focalisé sur le Sahara occidental à l’Ouest et la décomposition libyenne à l’Est. Les causes sont d’abord domestiques et à rechercher en Algérie et au Maroc. Dans ces trois pays, les structures politiques sont fragiles et la pression islamiste est forte. Au Sud du Mali, l’instabilité tend à se propager aux pays côtiers limitrophes et à se raccorder à la forte criminalité qui s’est enracinée dans le golfe de Guinée. Continue reading « Analyses initiales et perspectives régionales post-Barkhane »

Djibouti, carrefour stratégique convoité (LV 160)

Point d’appui établi à la convergence des grandes routes maritimes reliant l’Asie et le Moyen-Orient d’une part, à l’Afrique et l’Europe d’autre part, devenu carrefour stratégique pendant la Guerre froide, la République de Djibouti a vu sa dimension stratégique se renforcer à l’entrée dans le XXIème  siècle. Faisant l’objet d’investissements économiques massifs de la Chine et accueillant sur son sol les bases militaires de six pays étrangers différents, celles de la Chine et des États-Unis dépassant celle de la France – ancienne puissance souveraine sur le territoire, ce minuscule État s’est engagé dans une diplomatie subtile et lucrative, non dépourvue de risques, afin de garantir son autonomie politique, sa sécurité et son développement.

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L’Amérique pour les nuls (Le cadet n° 78)

Au début plus de masques. Ensuite pas de tests. Et maintenant peu de vaccins. Et toujours aucun modèle statistique pour nous éclairer : la Covid se répand-t-elle plus ou moins vite avec ou sans confinement, avec le couvre-feu à 18 au lieu de 20 heures, davantage dans les rames de métro que sur les terrasses de café ? Pourtant, le contribuable paie des cabinets américains pour gérer tout ça, et ça ne sert à rien. Si, à ce qu’il n’y ait plus de masques, pas de tests et peu de vaccins.

L’Amérique, c’est le pays où vous passez sept fois plus de temps dans votre voiture qu’en Europe : où vous pouvez attendre deux heures pour une attraction dans un parc ; où les files d’attente aux guichets des banques et des postes n’énervent que les touristes et qui, d’un mot français, a fait un sport national : le queuing. L’Amérique c’est le pays des bullshit jobs, des cellules d’évaluation, des conference calls, des reports, des process et des benchmarking, des blue prints et des papers. L’Amérique, c’est le pays du verbiage et du papier, celui qui en 1969, au retour d’Armstrong, Aldrin et Collins, leur fit remplir une déclaration en douane pour les roches et poussières lunaires qu’ils rapportaient.

L’Amérique reste, en terme de productivité (rapport input-output : temps, main d’œuvre, énergie, matières premières et fossiles pour fabriquer un objet ou réaliser une action), en bas du tableau de l’OCDE, au choix lanterne rouge des pays industrialisés ou leader des pays en voie de développement. C’est celui qui, pour compenser sa sous-productivité chronique, n’a d’autre choix que de creuser une dette qui ne sera jamais remboursée et de fabriquer du dollar. Quand on s’en remet à prix d’or à ses consultants pour gérer une pandémie, plutôt qu’aux compétences nationales éprouvées, on sait à quoi s’attendre : un mode d’emploi de 45 pages par piqure, de la gesticulation et de l’argent public gaspillé.

« Le Rapport est ce que sont les limbes dans le Christianisme, écrivait Balzac. Depuis l’envahissement des affaires par le Rapport, il ne s’est pas rencontré de ministre qui eût pris sur lui d’avoir une opinion, de décider la moindre chose, sans que cette opinion, cette chose eût été vannée, criblée, épluchée par les gâte-papier, les porte-grattoir et les sublimes intelligences de bureaux. » C’est ce virus managérial d’importation, stade ultime de la bureaucratie, qui nous détruit. Il a contaminé l’Éducation puis la Médecine et récemment la Justice. L’Armée croit y avoir échappé : elle y passera comme les autres corps d’État. Le retour dans l’OTAN a-t-il un autre objectif ? Relisez l’article de 2019 du colonel Legrier publié dans la Revue Défense Nationale : nous perdons et perdrons dorénavant nos guerres parce que nous copions des Américains qui ne savent pas les faire. Le MinArm prévoit une nouvelle mouture de la Revue Stratégique de défense et de sécurité nationale ? On eut préféré une victoire au Sahel.

Le Cadet

AMR 2020 : Bilan d’une année qui a mis le monde en panne (LV 157)

En un an un grave accident sanitaire a submergé la planète et mis le monde entier en panne. Et l’année 2020 va entrer la liste des grands millésimes stratégiques du siècle, aux côtés de 1945, 1989 et 2001. Certes les tensions qui ont présidé au monde d’avant la pandémie ont surnagé mais la donne stratégique a profondément muté, de nouvelles dialectiques émergent mais on ne voit poindre aucun équilibre possible à l’horizon. Voici un point de fin d’année sur cet épisode hors norme.

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Les initiatives maliennes de démobilisation à l’épreuve des tribulations politiques bamakoises (G. Lemarchand)

Nous sommes heureux d’accueillir ce texte d’un jeune chercheur, Gildas Lemarchand, étudiant en master 2, sur le processus DDR au Mali. Merci à lui/ LV

La profusion d’analyses sur la crise du Sahel occidental s’est récemment recentrée sur l’idée d’une solution purement malienne. Cela résulte d’abord de la transition nationale engagée suite au renversement d’Ibrahim Boubacar Kaïta (IBK) le 18 août 2020, mais plus encore des premières négociations du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) avec les groupes armés terroristes (GAT) maliens qui aboutissent à la libération d’otages le 9 octobre 2020, contre celle de deux cents djihadistes et le versement d’une rançon conséquente. Si ces capacités à communiquer entre maliens constituent une bonne nouvelle en soi pour les perspectives de pacification du Mali, la priorité est de gérer ces échanges entre les différents acteurs locaux afin de conserver un positionnement français cohérent.

Lien vers carte du processus DDR : Cliquez ici

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La Vigie n° 156 : Mourir pour Varsovie ou pour Bruxelles ? Que nous dit Erdogan ? Lorgnette : présidentielle 2022

Lettre n° 156 de La Vigie datée du 9 décembre 2020

Mourir pour Varsovie ou pour Bruxelles ?

La politique polonaise est souvent pointée du doigt et l’actualité concernant le blocage du budget européen est clairement une crise. Mais avant de juger, ne s’agirait-il pas de notre côté d’une incompréhension d’une Pologne plus rationnelle qu’il n’y paraît ?

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Que nous dit Erdoğan ?

R. Erdoğan est aujourd’hui dépeint par certains comme le principal adversaire de la France. La provocation est un art qu’il faut décoder pour ne pas tomber dans son piège. Le dirigeant turc est un habile politique qui a su se maintenir au pouvoir depuis plus de quinze ans et change désormais son assise intérieure. Cela motive une grande partie de son actuelle politique extérieure, dont le point de friction majeur se trouve en Méditerranée orientale. Bien le diagnostiquer permet d’envisager la conduite stratégique à tenir.

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Lorgnette : Présidentielle 2022

Bien évidemment, comme à chaque échéance de ce type, les élections de 2022 ne se joueront pas sur notre activité diplomatique et sur nos actions militaires extérieures. Bien évidemment, les questions sanitaires, sociales et économiques d’un côté, l’ordre public, la sécurité intérieure et le terrorisme domestique de l’autre, seront le cœur du réacteur électoral de 2022. Pour autant, faut-il considérer que tout est déjà dit par ce qui a été fait et qu’il n’y aura aucun enjeu extérieur à considérer pour l’élection à venir ?

Assurément non. Le monde change si vite aujourd’hui, de Washington à Pékin, de Moscou à Téhéran et Ankara (cf. ci-dessus), de Londres à Berlin, d’Alger à Bamako…

La Vigie se prépare à faire le point en 2021 sur les grands dossiers de la sécurité et de la défense de la France, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Elle interrogera sa posture diplomatique, en Europe, en Méditerranée et dans le monde, ses capacités militaires et ses activités opérationnelles, sa stratégie générale de présence au monde. Ces travaux permettront de nourrir les projets politiques à venir et d’éclairer le jugement des électeurs en 2022.

JOCV

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Crédit photo :  U.S. Department of State

Génération Sim City (Le Cadet n° 76)

« La prévision est un rêve duquel l’événement nous tire », disait Paul Valéry. On aurait pu penser que les gouvernants du monde d’après changeraient de logiciel. C’est au contraire le grand retour en arrière, entre technocrates qui confondent la France et l’URSS de Brejnev et reconstituent un Commissariat au Gosplan, et conseillers qui décident arbitrairement qui aura des aides et qui disparaîtra. Ce n’est pas qu’un tropisme autoritaire, c’est une génération qui croit qu’une nation ressemble à ses jeux vidéo dans un monde régi par l’intelligence artificielle d’une puce de silicium, et se gouverne comme dans SimCity ou Civilization.

Source

« Tout ce que nous avons appris, tout ce que nous avons projeté, modélisé, nous a permis de nous organiser » : non, ce n’est pas Gamelin qui a dit cela lors de la traditionnelle interview du 14 juillet dernier. Deux ans avant la Covid (n° 55), je citais déjà Valéry qu’il faut ici de nouveau solliciter : « Les effets des effets, qui étaient autrefois insensibles ou négligeables à l’aire d’action d’un pouvoir humain, se font sentir instantanément, reviennent aussitôt vers leurs causes, ne s’amortissent que dans l’imprévu. L’attente du calculateur est toujours trompée. Aucun raisonnement économique n’est possible. Les plus experts se trompent. Les prévisions que l’on pouvait faire, les calculs traditionnels sont devenus plus vains que jamais ils ne l’ont été. Plus nous irons, moins les effets seront simples, moins ils seront prévisibles, moins les opérations politiques et même les interventions de la force, en un mot, l’action évidente et directe, seront ce que l’on aura compté qu’ils seraient. Ce n’est point qu’il n’y aura plus d’événements et de moments monumentaux dans la durée ; il y en aura d’immenses ! Mais il ne suffira plus de réunir le désir et la puissance pour s’engager dans une entreprise. Rien n’a été plus ruiné que la prétention de prévoir. »

Que n’apprend-t-on ce texte par cœur à Sciences Po et à l’ENA ? Sauvons les huîtres ! m’exclamai-je il y a un an (n° 63) en rappelant la saillie de Napoléon à Marmont au soir de la bataille de Znaïm. Mais qui sauver parmi ceux qui ont confiné la France au printemps, en pure perte, pour la reconfiner à l’automne tout aussi inutilement ? Qui ont échoué sur les lits d’hôpitaux ? Qui ont échoué sur les tests ? Qui ont échoué sur la traçabilité des malades ? Conjurant les morts et la récession, ils s’étonnent d’avoir les deux ; la Suède, qui a fait un arbitrage (n° 69, 70 et 71), n’a pas davantage de morts et surtout pas de récession. Inutile d’en accuser des Gaulois sacrifiés à l’autel d’un modèle déterministe désormais incapable de comprendre le monde, comme l’avait anticipé Valéry dès 1930.

Mais que peut faire d’autre une génération SimCity cramponnée à ses certitudes managériales, telles des huîtres à un poteau du bassin d’Arcachon ? Et encore les huîtres, parfois, donnent des perles. Rendez-nous au moins Marmont !

Le Cadet, n° 76

Regard français sur 2020 : la régulation stratégique en question (LV 133)

Le dérèglement stratégique de la planète se poursuit. En 2020, c’est au plan géoéconomique qu’il pourrait encore s’accentuer. Pour la France qui doit recentrer sa stratégie et repenser ses alliances, c’est sans doute le moment de la réévaluation de ses engagements extérieurs, de la retenue stratégique et d’un effort prioritaire sur la sécurité et la cohésion publiques pour retrouver des marges de manœuvre.

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American Predator (Le Cadet n° 64)

C’était à l’IRIS il y a quelques années, au cours d’une réunion avec la ministre de la défense équatorienne, jolie dame poétesse qui, après avoir occupé plusieurs postes ministériels et internationaux, est aujourd’hui présidente de l’Assemblée générale des Nations Unies. Son message était en substance : « ne vous faites aucune illusion, ce que les Etats-Unis ont perdu en puissance y compris militaire, ils vont tenter de le regagner sur le mode de la prédation qui n’épargnera personne. Car il n’y a pas de doux commerce pour l’Amérique, il n’y a que la victoire totale, et l’extraterritorialité de son droit n’est qu’un des instruments d’intrusion et de destruction des autres nations ».

Nous étions avertis, à dire vrai depuis fort longtemps. Un des premiers articles parus sur le sujet chez nos amis de la Revue de Défense Nationale était titré « Le droit en état de guerre », et il date de décembre 2001. On pouvait y lire : « Il est désormais clair que, dans l’optique américaine, le droit n’est qu’un des instruments de mainmise économique, industrielle et financière, acquise elle-même par la puissance militaire… Il ne faut pas se tromper, ce n’est pas le droit américain qui s’impose par la grâce d’une supposée supériorité conceptuelle ou d’une capacité d’adaptation que n’auraient pas les autres systèmes juridiques : ce n’est qu’une volonté de puissance, qui ne cherche plus à limiter ses ambitions ni à les cacher… Les mécanismes juridiques qu’imposent les États-Unis ne sont pas porteurs de droit en tant que tels, mais d’intérêts autour desquels ce droit a été structuré pour lui donner corps. Ce n’est donc pas un problème de droit mais de souveraineté. » Dix-huit ans plus tard, d’aucuns semblent tomber de l’armoire, et cette extraterritorialité est devenue le dernier sujet à la mode dans les revues de géopolitiques et les colloques. Mais c’est dix-huit ans trop tard.

Au commencement du scandale Crédit Lyonnais – Executive Life, un avocat aux barreaux de Paris et New York m’avait dit qu’il n’y avait qu’une manière de bloquer ça : que l’Inspection et la Médecine du travail fassent une descente en force à Eurodisney. Les Américains ne comprennent que le coup de pied au cul. Ainsi pour le dossier Airbus, il faudrait que l’UE annonce d’ores et déjà que, quelque-soit la décision de la FAA, aucun Boeing 737 MAX, avion mal conçu, ne revolera jamais au-dessus de l’Europe.

Et nous serions outre-Atlantique, et une usine de produits dangereux sous capitaux français brûlerait, le Procureur local aurait déjà ouvert une enquête de flagrance, les dirigeants seraient sous les verrous, la comptabilité saisie, les fichiers informatiques décortiqués, les comptes bancaires bloqués si ce n’est pas siphonnés.

C’est ce qu’aurait fait une France héritière de Brennus, le guerrier qui occupa Rome il y a deux mille quatre cents ans, si elle existait encore. Vae Victis !

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Le Cadet, n° 64

Parias et États (LV 122)

La conflictualité actuelle résulte bien souvent de l’incapacité de la société internationale à permettre à des communautés de s’ériger en États viables et stables. La raison est à en rechercher dans la dislocation des systèmes d’empire qui laissent des peuples orphelins, dans la diversification peu cohérente du droit international et dans la mutation des acteurs internationaux. Pour réguler les tensions de la planète, il faut offrir à tous la perspective de l’État dont ils ont besoin.

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