Géopolitique de la France (Diplomatie , les grands dossiers n°44, avril-mai 2018).

Les magazines publient régulièrement des hors-séries spécialisés qui sont quasiment des livres. Le dernier Diplomatie se penche ainsi sur la Géopolitique de la France, thème qui nous est cher puisque un de nous a publié un livre éponyme (voir ici et ici). Merci donc à M. Cuttier de nous proposer une fiche de lecture de  ce dossier. JDOK

Comme elle l’avait fait dans le grand dossier de 2015[1], la rédaction de la revue propose un nouveau grand dossier portant sur la Géopolitique de la France, qui s’avère être un bilan de la politique internationale et de la capacité d’influence de la France, en 2018. Au premier abord, les thèmes évoqués sont semblables[2] : Souveraineté, Défense, Terrorisme, Soft power, enjeux maritimes, agriculture, diplomatie … En 2015, il a s’agissait de considérer la politique conduite par le président Français Hollande, cette fois l’objectif est de montrer les évolutions depuis l’élection du président Emmanuel Macron. Et si dans l’éditorial de 2015, Alexis Bautzmann s’interrogeait sur le repérage des facteurs du  déclin français en s’appuyant sur les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence de Montesquieu, trois ans plus tard, il part des effets des tensions identitaires attisées par la crise migratoire sur l’avenir de l’Europe. Une Union devenue un lieu d’affrontement idéologique quant à la conception que s’en font les peuples sur fond de Brexit, de crispations nationalistes, de menace terroriste persistante, de nouvelle politique américaine et de défi russe. La revue aborde les enjeux géopolitiques que la France est amenée à affronter en Europe et dans le monde.

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L’homme, la politique et la guerre- François Géré et Lars Wedin

De multiples pistes se croisent dans ce livre à la fois original, érudit et fécond qui sait se dégager des conventions et révérences habituelles pour considérer les modes d’exercice de la stratégie au début du XXIe siècle. Et tout d’abord, les pistes des deux auteurs : d’un côté, un agrégé d’histoire, féru de technologie militaire et de dialectique nucléaire, rompu aux rapports de force stratégiques actuels et de l’autre, un officier de marine suédois, ancien commandant d’unités de surface, breveté à Paris et Stockholm, conseiller militaire chez les diplomates de son pays et chef du bureau stratégie de l’état-major militaire européen.

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Le soldat, XXe-XXIe siècle (F. Lecointre)

Merci à Martine Cuttier, fidèle de La Vigie, de nous proposer à nouveau une fiche de lecture sur un livre qui vaut le détour, ne serait-ce que par son auteur : le nouveau CEMA. Cette lecture par une civile, enseignant à l’université, mérite (comme toujours) intérêt. JDOK

Nommé chef d’état-major des armées dans les circonstances particulières de la démission du général Pierre de Villiers, le général François Lecointre a mis en avant la nécessité d’écrire. Plus que jamais écrire et lire sont encouragés par l’institution jusqu’au plus haut niveau hiérarchique.

Lorsqu’il commandait les Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan, le général Eric Bonnemaison créa le festival international du livre militaire : FILM qui se déroule…. (cliquez pour lire la suite) Continue reading « Le soldat, XXe-XXIe siècle (F. Lecointre) »

Jonquille, de Jean Michelin (fiche de lecture)

Dans un article paru dans Le Figaro, le 18 janvier 2018, repris par l’ASAF, le 24 janvier, le CEMA, général François Lecointre qui a dirigé Le soldat, XXe-XXIe siècle[1], recommande à ses subordonnées, quelque soit leur grade : « Il faut écrire ! » jusqu’à considérer que « faire l’impasse sur l’écriture n’est pas admissible chez ceux qui se disposent à être des chefs militaires ».

Or les militaires d’active écrivent. Il suffit de regarder les dernières pages des revues officielles de l’institution telles Armées d’aujourd’hui, Terre information magazine, Cols bleus, Air actualités…y compris les revues des mutuelles militaires comme Unéo, pour le constater. Le nombre non négligeable de prix que distribuent les Armées encourage l’exercice. Et le Festival international du livre militaire : FILM qui se tient, chaque année à Coëtquidan[2], au moment du Triomphe, permet de le mesurer. Ils écrivent sur le passé et le centenaire de la Première Guerre mondiale[3] offre de multiples sujets mais aussi sur les opérations auxquelles ils ont participées. La Côte d’Ivoire[4] et surtout l’Afghanistan[5] ont inspiré bien des chefs militaires et les opérations au Sahel suscitent quelques titres[6]. Ils écrivent aussi sur la mort[7], la cyberdéfense[8] ou les questions éthiques[9]. Ils écrivent seuls, avec d’autres militaires[10] ou avec des civils[11]. Ils le font sans jamais critiquer les choix de l’institution et prennent souvent la précaution de préciser que le contenu de l’ouvrage ne constitue nullement la pensée officielle ou officieuse de cette dernière. Les éditeurs ne s’y trompent pas, ils publient car ils trouvent un public réceptif.

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Forces armées africaines, 2016-2017, Laurent Touchard, fiche de lecture

Présentant son ouvrage au cours du « petit-déjeuner Afrique » de l’IRSEM,  le 15 septembre dernier, l’auteur précisa que son travail s’adressait plus aux militaires qu’aux chercheurs. La lecture approfondie du livre aboutit à nuancer ce propos dont le but, en ce début du XXIe siècle, est de rompre avec le cliché et « l’idée reçue selon laquelle les armées africaines seraient invariablement mauvaises » à quelques exceptions près. Rappelant qu’une armée est « un phénomène humain »,  il veut au contraire présenter « les forces africaines dans leur disparité, leur complexité », « leurs contrastes » et leurs succès[1]. Continue reading « Forces armées africaines, 2016-2017, Laurent Touchard, fiche de lecture »

Aline Leboeuf, « Coopérer avec les armées africaines », IFRI, Focus stratégique n° 76, octobre 2017

Martine Cuttier nous propose une lecture de « Coopérer avec les armées africaines« , rédigé par Aline Leboeuf et édité dans la collection des Focus stratégique de l’IFRI. JDOK

Depuis les indépendances, tout en s’adaptant au contexte historique donc  stratégique[1], l’armée française pratique la coopération auprès des armées africaines et particulièrement celles de la zone subsaharienne confrontée à de nouvelles menaces : terrorisme, criminalité, insurrections, piraterie… avec des résultats très discutables. L’auteur tente de dresser un état des lieux de la coopération militaire et de saisir les raisons des piètres performances d’armées[2] le plus souvent professionnelles pourtant très sollicitées et tenues à bout de bras par nombre d’Etats dont la France au titre de la coopération.

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La première partie décrit la diversité de la coopération militaire : les très nombreux acteurs étatiques (p14-20), les rapports au cadre diplomatique (p 21-22), les différents types de conseillers et de coopérants (p 26-27), les formations proposées et les exercices p 23 – 28), le soutien matériel (p29) et l’aide financière (31)[3]. (cliquez pour lire la suite) Continue reading « Aline Leboeuf, « Coopérer avec les armées africaines », IFRI, Focus stratégique n° 76, octobre 2017 »

Servir (Gal de Villiers) fiche de lecture (M. Cuttier)

Martine Cuttier a lu pour nous le livre du Général de Villiers, qui vient de paraître.  Une lecture indispensable : merci à elle. Le lecteur de La Vigie  pourra relire le billet « de la discipline intellectuelle » ou encore la Lorgnette du n° 73. JDOK

Si sous la Cinquième République, il est arrivé que des chefs d’Etat-major démissionnent[1], ils étaient chefs d’Etat-major d’armée. Or jamais un chef d’Etat-major des armées, de surcroît venant d’être prolongé pour un an par le chef des armées, ne l’avait osé. La démission du général de Villiers en juillet 2017 est donc une première dans l’histoire militaire récente. En désaccord avec un nouveau président de la République, chef des Armées, fort de la légitimité du suffrage universel, le CEMA, son grand subordonné et conseiller militaire du gouvernement, ne pouvait « avoir le dernier mot » (p 226). L’affrontement devenu public a opposé deux hommes de caractère. Alors qu’il essuyait les foudres du Président et de proches, le CEMA a reçu, ému, le soutien unanime de la classe politique, « incarnation de notre République » (p 19). Ne trouvait-elle pas là une occasion de critiquer celui qui a ravi le pouvoir tout en balayant un paysage politique partisan à bout de souffle ? Continue reading « Servir (Gal de Villiers) fiche de lecture (M. Cuttier) »

Jean-Vincent Holeindre, La ruse et la force : une autre histoire de la stratégie (fiche lecture)

Martine Cuttier, fidèle lectrice, nous envoie cette fiche de lecture de l’ouvrage de Jean-Vincent Holeindre, paru avant l’été. L’auteur est directeur scientifique de l’IRSEM depuis 2016, ce qui redouble l’intérêt pour son livre. Merci à elle. JDOK.

L’auteur étudie la guerre, « la plus extrême des violences politiques » à partir du double prisme de l’emploi de la force, source de mort et de désolation, et de l’ingéniosité humaine qu’est la ruse. Force et ruse, opposées et complémentaires, structurent les représentations de la guerre et de la stratégie dans l’aire occidentale. Il le montre en se plaçant du point de vue du temps long de l’histoire quant à  leur usage sur le plan de la stratégie et de la tactique. Afin d’en explorer la dialectique dans l’histoire de la stratégie, l’auteur fonde son analyse avec prudence sur la chronologie, plaçant son objet d’étude dans son environnement politique et social. Autre excellente méthode pour éviter les contresens. Continue reading « Jean-Vincent Holeindre, La ruse et la force : une autre histoire de la stratégie (fiche lecture) »

Le Cardinal de Retz, mots d’esprit pour temps de troubles (Th. F. de La neuville)

L’été est l’occasion de relire les classiques, ou tout simplement de les découvrir (voir la lecture faite de La Boétie dans égéa). Thomas Flichy de La Neuville, parrain fidèle de La Vigie, nous livre ici quelques leçons tirées du Cardinal de Retz, fameux mémorialiste du XVIIè siècle. Merci à lui. JDOK

Jean-François de Gondi se savait trop léger pour prétendre s’emparer du pouvoir. Cet agitateur professionnel nous a pourtant légué, au fil de ses Mémoires, quelques traits extraordinairement lucides sur la métamorphose d’un l’État en temps de guerre civile.

Le cardinal de Retz, 1613-1679 (portrait anonyme conservé au château de Blois). Photo © AFP

Source

L’une des caractéristiques de la Fronde fut en effet de mêler très étroitement la bataille judiciaire à celle des rues, et il ne fut pas rare de voir des robins abandonner soudainement le prétoire pour tirer l’épée. Ils n’étaient d’ailleurs pas seuls à se battre en un temps où l’on voyait des enfants de cinq et six ans avec les poignards à la main. C’étaient leurs propres mères qui les leur apportaient[1]

Ceci amène le cardinal de Retz à décrire crûment la déliquescence des pouvoirs publics : « Le dernier point de l’illusion en matière d’État, est une espèce de léthargie qui n’arrive jamais qu’après les grands symptômes. Le renversement des anciennes lois, l’anéantissement de ce milieu qu’elles ont posé entre les peuples et les rois, l’établissement de l’autorité purement et absolument despotique »[2].

Le mémorialiste en profite naturellement pour attaquer les actions d’intoxication du camp adverse, incarné par Mazarin, qui promit tout car il ne voulut rien tenir[3]. En effet, comme le grand secret de ceux qui entrent dans les emplois est de saisir d’abord l’imagination des hommes par une action de circonstance[4], les bruits les plus spectaculaires ne pourraient être qu’écrans de fumée. Le vieux Prince d’Orange disait que le moment où l’on recevait les plus grandes et les plus heureuses nouvelles était celui où il fallait redoubler son attention pour les petites[5].

Encore fallait il constituer une opposition solide au pouvoir royal, ce qui n’était pas le cas du Parlement de Paris sujet aux pressions comme aux divisions. Gondi se fait la réflexion qu’on a d’ordinaire plus de peine dans les partis, à vivre avec ceux qui en sont, qu’à agir contre ceux qui y sont opposés[6]. N’est on pas plus souvent dupé par la défiance que la confiance[7] ? Le cardinal de Retz se défie du clergé qui donne toujours l’exemple de la servitude, et la prêche sous le titre d’obéissance[8]. Enfonçant plus avant la pointe, il ajoute n’y a t’il rien de si juste à l’illusion que la piété [9]?

Cerné de toutes parts, il ne reste plus au coadjuteur de Paris que de se reposer sur des intelligences plus ternes que la sienne mais plus persévérantes : Brion avait fort peu d’esprit ; mais il avait beaucoup de routine, qui en beaucoup de choses supplée à l’esprit[10]. L’appui de ces travailleurs fidèles ne fut pas suffisant pour lui éviter son éloignement définitif de la Cour. D’où une réflexion ultime dont la profondeur fut creusée à la solitude : « Il y a des temps où la disgrâce est une manière de feu qui purifie toutes les mauvaises qualités et qui illumine toutes les bonnes »[11].

TFLN

[1] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 127

[2] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 90

[3] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 88

[4] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 58

[5] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 248

[6] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 138

[7] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 20

[8] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 66

[9] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 20

[10] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 42

[11] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 62