Quel projet pour l’UE ? (parution)

La Vigie est heureuse d’annoncer la parution d’un ouvrage auquel ses deux membres fondateurs ont contribué. Jean Dufourcq y signe un texte sur « Quelles options, demain, pour l’Union européenne en suspens ?« . Olivier Kempf propose un texte sur « L’évolution de l’OTAN : des fins de l’Alliance à la fin de l’Alliance« . Vous trouverez ci-dessous les détails de cet ouvrage et de ses nombreux contributeurs.

QUEL PROJET DEMAIN POUR L’UNION EUROPÉENNE D’AUJOURD’HUI ?

Sous la direction de Pierre Pascallon

« Notre monde est-il au bord du gouffre ? » On a pu montrer que le monde des années 2010-2015 n’était plus celui de « la mondialisation heureuse » (A. Minc) marqué par « la fin de l’Histoire » (F. Fukuyama), mais le monde d’une « mondialisation dure ». Force est de reconnaître que ces dernières années ont confirmé ce désordre grandissant : on en vient à parler de « l’affolement du monde » (Th. Gomart). On ne s’étonnera donc pas qu’à l’heure du redéploiement des cartes de la puissance mondiale, l’Union européenne nous montre aujourd’hui le visage d’un vieux continent en plein doute qui doit à nouveau s’interroger sur ses contenus et finalités, à l’horizon 2030-35.

 

Ont contribué à cet ouvrage : Ludmila CHERENKO, le général (2S) Etienne COPEL, l’Amiral (2S) Jean DUFOURQ, le Recteur Gérard-François DUMONT, Jean-Claude EMPEREUR, Jean-Marc FERRY, le général (2S) Gilles GALLET, Thierry GARCIN, Pascale JOANNIN, Philippe MOREAU-DEFARGES, le général (2S) Olivier KEMPF, Hartmut MARHOLD, Sylvie MATELLY, Jacques MYARD, Pierre PASCALLON, Charles SAINT-PROT, Jacques SAPIR, Irnério SEMINATORE, Hans STARK, Pierre-Emmanuel THOMANN, Alexandre VAUTRAVERS, le Recteur Charles ZORGBIBE. Continue reading « Quel projet pour l’UE ? (parution) »

Expulsion des agents russes: un règlement de compte entre Obama et Trump ?

En cette fin d’année, la presse grand public nous sollicite ! Après les Échos il y a deux jours, le Figaro aujourd’hui (lien ici), à la suite de la controverse Obama/Poutine. JDOK

FIGAROVOX/TRIBUNE.-Jean Dufourcq, amiral (2S), voit dans l’expulsion d’agents russes la volonté de Barck Obama de gêner les premiers pas de Donald Trump, en empêchant un rapprochement avec la Russie.


Jean Dufourcq, contre-amiral en 2e section, est aujourd’hui est Rédacteur en chef de La Vigie, lettre d’analyse stratégique. Il est membre honoraire de l’Académie de marine et ancien rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale.

Par un décret présidentiel, Barack Obama vient de prendre des mesures de rétorsion contre la Russie accusée d’avoir mené des cyberattaques contre les États-Unis pour influencer le cours de l’élection présidentielle américaine. Il s’agit d’une des dernières décisions du président partant qui donne l’impression de profiter de sa fin de mandat pour lâcher des coups qu’il avait longtemps retenus: c’est ce que suggère aussi la récente abstention aux Nations-Unies lors d’un vote condamnant la colonisation israélienne. Quelle est la portée de ces mesures antirusses ?

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La Vigie n°7 – De 2014 à 2015, en stratégie | Dissuasion, retour au concept

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Extrait des articles présents dans cette lettre :

De 2014 à 2015, en stratégie

Pour un premier numéro d’année, il n’est jamais inutile de revenir sur le passé pour augurer de l’avenir. La méthode ne garantit pas toujours des résultats mais nous n’en connaissons pas d’autre meilleure.

L’Europe n’a pas démontré de grandes capacités. Sa négligence autour du partenariat oriental en 2013 a provoqué la crise à Kiev, devenue depuis une guerre civile. Entre condamnations morales et sanctions, l’Europe s’est réfugiée dans ses mauvaises habitudes, regardant de loin ce qui se passe au Maghreb ou en Afrique. Les élections européennes ont atteint des sommets d’abstention alors qu’on nous a présenté l’élection de la Commission comme un summum démocratique. La crise financière et budgétaire s’approfondit malgré la surprise de la baisse des cours du pétrole, pour laquelle l’Europe n’est pour rien mais qu’on utilise habilement pour louer les bienfaits de la politique d’austérité suivie. L’Europe se contracte au profit de l’Allemagne qui joue en rentière. L’UE continue la politique de suivisme américain et se désintéresse du monde, perpétuant la « déflation stratégique » constatée depuis maintenant des années. Sans surprise, les vents mauvais s’élèvent : indépendantisme écossais, accès au pouvoir de la NVA en Belgique, montée de partis extrêmes de gauche (Grèce, Espagne) ou de droite (France, Angleterre, pays scandinaves) sans même parler de la Hongrie ou de l’Italie. Le projet européen est à l’agonie mais il nous faudra accélérer la non-politique suivie, parce que nous ne sommes pas allés assez loin !

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Dissuasion, retour au concept

Commençons l’année par un cas d’école, Daesh, défi militaire certes mais aussi conceptuel. Sommes-nous armés pour affronter cet antagonisme déclaré et radical et en dissuader le projet ? En revenant à la racine du système central de dissuasion nucléaire stratégique de la France, on constate que la combinaison spéciale et l’héritage de puissance qui le constituent sont insuffisants pour neutraliser les agressions caractérisées de type Daesh. Ne  faut-il pas aussi développer un système central d’intimidation stratégique ?

La dissuasion nucléaire résulte en fait de la combinaison historique d’avancées scientifiques décisives dans la libération des énormes forces de liaison nucléaire de la matière (projet Manhattan 1944), de la nécessité d’en finir avec le Japon par une frappe sidérante (1945) puis ensuite de celle de bloquer tout affrontement militaire entre les deux grands vainqueurs de l’Allemagne nazie, les États Unis et l’URSS. La notion de dissuasion s’est installée progressivement dans le contexte de la guerre de Corée puis de la lente découverte qu’aucune victoire militaire d’un des deux Grands sur l’autre n’était plus possible du fait de la capacité de destruction, « massive » de l’armement atomique. On alors passé du concept classique de la victoire par la supériorité des armes à la régulation stratégique par l’équilibre de la terreur.

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Burkina Faso : qu’en penser ?

Les événements au BF n’ont pas manqué de surprendre. Voici donc un autocrate habile, qui avait su gagner une influence diplomatique certaine dans la région, qui n’était pas des plus sanguinaires, pas intéressé par la richesse même si son entourage n’avait pas forcément les mêmes distances envers l’argent qui salit. Certes, il ne remplissait pas les critères Occidentaux de notabilité mais dans la région, on connaissait pire – on connaît toujours pire. Voici qu’un mouvement populaire le met à bas. Voici une prise de pouvoir qui se déroule sans trop de heurts. Voici une transition qui respecte les formes. Or, ce côté apparemment bénin et pour tout dire conforme à nos standards suscite une certaine interrogation. S’agit-il vraiment d’un printemps africain, comme s’ébaudissent certains commentateurs enthousiastes ? n’y a-t-il pas autre chose là-derrière ce que certains esprits soupçonneux imaginent ?

Il est certain en tout cas que Blaise Comparoé avait négligé beaucoup de signes avant-coureurs qui lui disaient qu’il serait difficile d’obtenir un cinquième mandat. Inattention ou, comme souvent, syndrome du « vieux chef » qui souffre de plusieurs défauts : l’auto-persuasion conduisant à croire que « cette fois encore, on réussira à dominer les événements », moins de contacts avec la société (isolement du pouvoir) et donc moindre compréhension (raisonnée ou intuitive) des attentes réelles, âge tout simplement qui obscurcit le jugement, concentration sur les affaires de l’Etat, à l’intérieur comme à l’extérieur (les affaires étrangères ont toujours été au cœur de l’attention de Blaise, il y montra d’ailleurs un vrai talent), la liste pourrait être allongée encore mais elle est finalement « classique ». Etrange destin que ces vieux dictateurs qui ne savent pas comment passer la main…

Voici donc les causes propres à la personnalité du président. Pour le reste, comment interpréter cette révolte ? Elle est incontestablement populaire et elle est fondée, comme quasiment toute les révoltes récentes, sur le rejet des inégalités et surtout de la corruption. Foin des lectures trop pratiques (ici attente de démocratie, là islamisme triomphant), le peuple burkinabé a d’abord exprimé sa lassitude. Constatons qu’elle intervient dans un pays pauvre et ethniquement homogène. QU’on sache qu’un tiers des Burkinabés travaille à l’étranger (notamment en Côte d’Ivoire) permet d’apprécier les difficultés du pays.

Pour autant, s’agit-il d’un « printemps africain » ? Voir un printemps en plein mois de novembre a d’abord quelque chose de curieux. Ensuite, l’allusion au « printemps arabe » est douteuse, tout d’abord parce que cette dernière expression est faussée : elle signifie souvent, dans la bouche de ceux qui l’emploient, un appel à la démocratie à l’occidentale, ce qu’elle a rarement été. Pour dire les choses plus précisément, il n’est pas sûr que ces sociétés soient très enthousiastes à l’idée de suivre le « modèle occidental » fondé notamment sur un individualisme exacerbé.

A observer ce qui  se déroule au Burkina, on est ainsi frappé par la méthode de résolution de la crise : très vite, un lieutenant-colonel d’apparence anodine prend la tête du « processus de transition » : on apprend qu’il est le numéro deux du régiment de la garde présidentielle, visiblement le seul centre de pouvoir, le seul détenteur du monopole de la violence, tirant de cela une légitimité qui lui est reconnu. La politique est d’abord rapport de forces. On aperçoit une de ses premières photos où il pose à côté du roi traditionnel et de l’évêque du lieu : ainsi, les structures locales d’intermédiation sont immédiatement associées, pour bien montrer que l’ensemble de la société sera incluse dans le processus. Dès lors, quelques jours plus tard, une conférence nationale peut réunir les représentants  de toutes les forces de la société pour désigner un président de transition. Chapeau l’artiste, voici une méthode « africaine » qui convainc.

Du moins si l’on se contentait d’une lecture purement burkinabé. IL est possible que d’autres acteurs aient agi en sous-main : les voisins (Côte d’Ivoire), la France, la « communauté internationale. Constatons toutefois que la mission de médiation envoyée par l’Union Africaine s’est fait poliment éconduire ; que la France ne paraît pas avoir été à la manœuvre même si elle a pu appuyer, ici ou là, tel moment du processus (et notamment l’évacuation, in extremis, du président déchu) : toutefois, on entend peu de rumeurs suggérant que les vieux réseaux ont été à l’œuvre. Quant à la communauté internationale, au-delà des discours habituels et finalement inaudibles, elle a certainement pressé en coulisse en faveur d’un déroulement pacifique mais le réalisme oblige à convenir que cela a souvent peu d’effets, n’en déplaisent aux complotistes.

Voici en fait la vraie surprise de cette affaire : qu’elle ait pu rester cantonnée à un seul pays et qu’on n’observe pas de débordement transfrontaliers ou d’imitation dans les pays voisins. AU fond, le respect d’un cadre national est la vraie bonne nouvelle de l’affaire : alors qu’on ne cesse de nous dire que les frontières issues de la décolonisation sont malvenues (sous-entendant ainsi qu’il faut les redécouper, sur une base ethnique et donc quasiment raciale…), le Burkina Faso nous rappelle d’une nation est d’abord un projet politique, résultat d’une volonté de vivre ensemble et qui peut adapter des déterminations traditionnelles à des constructions politiques.