Barrage de N. Kakhovka : l’hypothèse de l’accident (+ modif 1)

Mardi dernier, la barrage de Nova Kakhovka s’est rompu. Chacun a cru alors à un sabotage effectué par l’un ou l’autre des belligérants. Puis, les heures passant, des doutes ont commencé à surgir au vu des éléments observés. Peu à peu, une hypothèse alternative a émergé :c elle d’une rupture accidentelle du barrage. C’est cette hypothèse qu e nous vous proposons, grâce au travail très fouillé et en sources ouvertes de Pierre Ranvier (pseudonyme), ingénieur de l’École Centrale Paris avec plus de 15 ans d’expériences dans les infrastructures hydrauliques. Nous le remercions très vivement d’avoir pris le temps de produire cette étude. Nous observons d’ailleurs que les services occidentaux restent désormais très prudents quant à l’analyse de cet événement.

Source: Handforged on Visualhunt

Il reste une interrogation majeure : alors que la contre offensive ukrainienne semblait avoir commencé le dimanche précédant, la coïncidence de la rupture du barrage exactement à ce moment précis laisse perplexe. Nous laissons aux lecteurs le soin de se faire leur propre opinion.

PS1 : Nous y ajoutons, en date du 12 juin, une deuxième version (en laissant la précédente) qui prennent en compte deux facteurs :

– l’évacuateur de crues a rompu avant l’usine,
– le pont-route a rompu le 1er ou le 2 Juin, et pas le 5 comme on le coryait intialement (du coup l’hypothèse de la réaction de panique ne tient plus).

La Vigie.

Les analyse présentées et le scénario peuvent se résumer par la succession des observations et analyses suivantes :

  • A partir de début 2023, aucune manœuvre de vanne n’est effectuée sur le barrage, et les portiques de manutention des vannes restent strictement immobiles ; en même temps, l’usine est totalement arrêtée et ne peut pas être redémarrée ; la cause de ces observations n’est pas connue, mais ce type d’exploitation est anormal, et est donc le signe d’une incapacité des exploitants du barrage à exploiter normalement leur ouvrage, et notamment à manœuvrer les vannes de l’évacuateur de crues,
  • Suite à la période de crue (avril), en absence de capacité d’évacuer l’eau, puisque l’usine est arrêtée et que les vannes ne sont pas manœuvrées, le niveau monte dans le réservoir, à une cote record (sans être -en soi- une menace directe pour le barrage),
  • Cette augmentation du niveau d’eau entraine un endommagement du fond de la rivière, dans la zone où l’eau s’écoule. Une fosse se crée et s’agrandit progressivement, sans que l’exploitant du barrage ne semble capable de stopper l’évolution. La fosse grandit donc,
  • La veille de la catastrophe, une dalle qui portait le pont-route sur le barrage s’effondre dans la fosse, provoquant une panique chez les exploitants, qui voient venir la catastrophe, et tentent, en dernier recours, de faire transiter de l’eau par l’usine,
  • Cette opération, avec une usine non raccordée sur le réseau, a pour conséquence la destruction de la partie supérieure du génie civil de l’usine,
  • Parallèlement, soit par poursuite de l’approfondissement de la fosse, soit en conséquence de l’inondation de l’usine, une instabilité de l’évacuateur de crues conduit l’ensemble de certains plots de la structure à décoller de leur fondation, et à être embarqués par les flots.

Pour lire l’étude complète en pdf, cliquez ici

Elle doit être suivie de la lecture d’un bref addendum, cliquez ici

Pierre Ranvier

9 thoughts on “Barrage de N. Kakhovka : l’hypothèse de l’accident (+ modif 1)

  1. Merci pour ce travail très fouillé, et convaincant. Une enquête faite par des experts venant de parties non belligérantes devrait, dans un monde de raison, pouvoir intégrer votre étude parmi ses hypothèses. La Turquie avait fait une proposition un peu semblable, l’ONU ne l’a pas reprise, et c’est bien dommage.

  2. Je trouve cette analyse très pertinente à part l’idée que la destruction de l’usine provient du transit de l’eau par l’usine.

    Les blocs turbines s’enfoncent successivement et progressivement au fur et à mesure que l’eau emporte leur fondations et c’est la submersion qui provoque l’affaissement des murs.

    Ce phénomène de submersion graduelle apparaît lorsqu’on visionne les vidéos prises par les témoins à différents moments.

  3. Peut-être quelques informations et photos complémentaires utiles: https://bmanalysis.substack.com/p/kakhovka-dam-destruction

    De toute façon, une infrastructure raisonnablement bien conçue et solide (ce barrage avait plus de 60 ans) n’est pas détruite par une seule cause sauf si elle est extrêmement puissante, mais usuellement par une multiplicité de facteurs s’accumulant dans le temps, dont un certain nombre ne sont visiblement pas issues de la volonté seule d’une des deux parties: six mois sur la ligne de front sans entretien correct, pluie sur tout le bassin du Dniepr.

  4. Merci à « Pierre Ranvier » de cette remarquable contribution.

    Outre une approche très pédagogique de l’hydraulique des barrages, elle a l’immense mérite d’éviter le manichéisme quel qu’il soit en offrant une approche totalement factuelle de la question.

    La simple et banale réalité tendrait donc à pointer l’habituel mélange d’incompétence, de craintes et d’incompréhensions mutuelles qui trop souvent amène aux grandes catastrophes. Au grand dam de maints commentateurs, nous pourrions n’avoir aucun « responsable » ou même « facteur » unique à pointer du doigt. « Juste » un banal enchaînement de problèmes individuellement préoccupants sans être insurmontables, mais dont l’addition finit par rendre la situation incontrôlable.
    A rapprocher de nombreux accidents aériens où finalement incidents et erreurs individuellement bénins se combinent pour aboutir à une catastrophe.

    Cyniquement (!) j’oserai conclure cette lecture par un laconique « comme d’habitude… ».

  5. Un grand merci pour cette analyse, instructive et rationelle.
    J’ai lu l’ajout, et je pense que le scénario retenu initialement n’est pas forcément invalidé par la temporalité des destructions.

    le personnel ayant décelé les dégats sur les fondations des vannes deversoires (capteurs piezo ?), les vannes de l’usine ont pu être ouverte afin pour servir de fusible, mais trop tard pour sauver les fondations du déversoire, qui sont tout de même emportée.
    L’ouverture sans contrôle des vannes de turbine ayant lui pour effet l’emballement et les fortes vibrations.

    Il serait interessant de connaitre les horaires des enregistrement sismiques : vibration et explosion.

  6. Analyse éclairante sur les risques direct et indirects de la technologie mal gérée quand les évènements en décident pour nous.
    Qu’en serait-il de nos centrales nucléaires et nos barrages en cas de guerre ?
    Ne serait-il pas temps de trouver une issus à ce confit qui n’a que trop duré ?
    Qu’espère donc les Ukrainiens qui ne sont que des Russes Européanisés ?
    Croient-ils qu’ils pourront se revendiquer Nation et décider de ce qu’ils veulent quand ils se seront intégrés à l’Europe ?

  7. Je veux signaler, ici, la grande qualité de cette analyse.
    Pour ma part, en qualité d’ancien militaire, expatrié en Pologne depuis trois ans, je peux témoigner d’une forte présence ukrainienne à Varsovie et Cracovie. J’ajoute en toute partialité que bon nombre de ces personnes sont jeunes et pour la plupart roulent avec des véhicules de standing.
    Par ailleurs, la population polonaise commence sérieusement à se lasser des « avantages » accorder à ces personnes notamment depuis l’augmentation des prix, malgré les efforts du gouvernement du PIS à supprimer la TVA sur de nombreux produits de consommation courante. Quant aux logements, certains polonais en liste d’attente pour l’obtention de logements sociaux se sont vus rétrograder afin de loger des Ukrainiens. Une pétition a d’ailleurs été adressé au Président Duda.
    Bien évidemment, le sentiment anti-russe est malgré tout toujours ausssi fort.
    Enfin, j’ai noté l’augmentation des files d’attentes auprès de l’ambassade des USA à Varsovie et du consulat des USA à Cracovie.
    Cordialement

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