Bilan hebdomadaire n° 42 du 25 décembre 2022 (guerre d’Ukraine)

Je ne comptais pas écrire en ce jour de Noël mais finalement, pas mal de choses se sont déroulées qui méritent un petit point. Lien vers l’article complet en fin d’enfilade.

L’essentiel se joue autour de Bakhmout même si on aperçoit encore un peu d’activité, ici ou là, sans que cela soit réellement marquant. La semaine a montré des velléités ukrainiennes de reprendre localement l’initiative, alors que depuis plusieurs semaines c’étaient plutôt les Russes qui poussaient (sans avancer réellement, nous l’avons noté). Je commençais à l’interpréter cela comme le signe de la fin de la réorganisation ukrainienne : cette hypothèse demeure valide.

Au sud de Bakhmout, les Russes continuent de pousser. La situation est confuse sur le canal : on ne sait si les Russes ont conservé un bout de tête de pont à l’ouest de celui-ci. Les Ukrainiens se battent en tout cas furieusement pour les repousser (Kurdyumivka).

Aux lisières de Bakhmout, situation imprécise également. Opytne reste disputée avec des revendications contradictoires. Les lisières Est font l’objet de nombreux combats, les Ukrainiens ayant annoncé avoir repoussé les Russes hors de la zone résidentielle, les Russes affirmant y être toujours. Juste au nord, les Russes auraient peut-être un peu progressé mais là encore, de façon non significative. C’est en fait au nord de Soledar que se passent les choses.

En effet, les Russes ont pris le contrôle de Yakovlivka et poussent au nord vers Vesele, à l’ouest vers Rozdolivka, au sud vers Soledar. La progression est lente mais réelle et retient l’attention. Elle fait penser, toute choses égales par ailleurs, à la prise de Popasna au printemps qui avait permis la prise de Severodonetsk. En effet, si jamais les Russes réussissent à exploiter, ils peuvent agir dans trois directions :

  1. menacer la liaison nord-sud entre Siversk et Bakhmout (T 0513).
  2. prendre à revers Siversk et au-delà, Bolohorivka (partant, alléger la pression juste au nord sur Kreminna)
  3. pousser au sud sur Soledar et au-delà sur le système défensif de Bakhmout.

L’affaire n’est donc pas à négliger par les Ukrainiens qui doivent rapidement renforcer leur ligne de défense et tenir à toute force Rozdolivka.

Plus au nord, les Ukrainiens ont repris leur poussée, notamment contre Chervonopopivka. S’ils réussissaient à le prendre comme les Russes ont pris Yakovlivka, ils pourraient tourner Kreminna par le nord et Svatove par le sud, comme on l’a déjà vu.

Appréciation militaire : La météo est-elle plus clémente ? la boue s’est-elle tarie ? Alors que les positions semblaient figées, il faut continuer d’observer les éventuels mouvements de la ligne de front. La pression continue de l’artillerie peut susciter des ruptures locales, avons-nous dit. Peut-être Yakovlivka n’est qu’une légère rupture aux conséquences mineures ; peut-être est-ce plus significatif. Nous verrons bien mais il convenait de marquer l’événement.

Analyse politique : Pas mal de choses cette semaine. La presse a largement couvert la venue de V. Zelensky à Washington et son discours devant le Congrès. Le symbole est évident (première sortie du pays depuis le début de la guerre) et on le comprend aisément : Le président ukrainien est en effet venu parler devant la dernière session du Congrès selon la configuration pré-électorale. On sait qu’à partir de janvier, la Chambre des Représentants changera de couleur et sera dominée par les Républicains. Malgré les ovations de cette semaine, il est tout à fait possible que la Chambre mette en question la politique de soutien de la Maison Blanche : non sur son principe mais sur les sommes consacrées à l’Ukraine. V. Zelesnky a donc cherché à marquer les esprits et solidifier la ligne politique avant ce changement. L’avenir dira s’il a réussi ou si la politique intérieure américaine affectera la politique extérieure.

Tout aussi intéressantes furent les déclarations des responsables russes : aussi bien le discours de V. Poutine que celui du ministre de la défense Shoïgou (quasiment pas mentionné par la presse française). Le point commun est constitué des moyens donnés durablement à la défense. Ainsi l’effectif total des forces armées passe de 1,15 Mh à 1,5 MH (sachant que le précédent seuil avait été décidé cet été). Précisons qu’il ne s’agit pas de mobilisation mais de plafond de recrutement. Beaucoup confondent les deux ce qui explique les rumeurs que nous avions signalées d’une mobilisation à plus d’un million d’hommes. Il reste que ce seuil organique permet effectivement d’accroître, dans la durée, le nombre d’hommes mobilisables. Cela signale la volonté de tenir une guerre de longue durée.

« Guerre » : le mot a été prononcé par VVP, répondant à l’impromptu à des journalistes. Est-ce une maladresse ou le début d’une évolution plus significative ? On sait qu’en Russie on ne parle officiellement que d’une opération militaire spéciale et que le mot guerre est banni du discours public est passible des tribunaux. Ici encore, il faut relever le signal faible. Car l’autre élément des discours publics reste, outre l’augmentation des budgets consacrés à la défense, le signal d’une reprise en main du système de défense, qui avait été laissé aux affairistes. Signe de plus que le Kremlin change sa façon de conduire la guerre. Il était en effet douteux que Moscou accumule les revers sans réagir. Reste à savoir si cela suffira ou si l’appareil étatique et militaire est trop malade pour évoluer.

Je vous souhaite un très joyeux Noël en attendant. Profitez si vous le pouvez des moments de repos. Pour ceux en mission ou dans la peine, qu’ils sachent que nos pensées vont aussi à eux. Bonne semaine.

OK

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