Bilan hebdomadaire n° 41 du 18 décembre 2022 (guerre d’Ukraine)

Quasiment pas de changement depuis dimanche dernier. Que signifie cette neutralisation réciproque ?

Aucune activité sur le front de Kherson ou celui de Zaporijia, sauf quelques échanges encore vers Velika Novosilka à l’ouest de Vuhledar.

Donbass sud (région de Donetsk) : la seule activité notable a eu lieu à Marinka. Les Russes auraient pris les deux-tiers de la bourgade, atteignant la rue principale sud-nord par endroits. Les Ukrainiens tenteraient de pousser juste au sud, à hauteur de Pobjeda. Les Russes poussent juste au nord de Marinka vers Krasnohorivka, sans avancer. Idem, dans le secteur de Pisky où ils pèsent sur Pervomaiske, là aussi sans progresser.

Secteur de Bakhmout. Au sud, les Russes avaient un temps franchi le canal, qui servait de ligne d’arrêt, à hauteur d’Ozadrivka : ils ont été repoussés par les Ukrainiens. Ils font également pression vers Klishivka, sans pouvoir avancer. Les combats se déroulent maintenant dans les premiers quartiers résidentiels de Bakhmout est, mais sans progression russe (principalement Wagner). Au nord de Bakhmout, les Russes ont pris la plus grande partie de Yakovlivka et progressent lentement dans Soledar.

Secteur du Donbass nord : pression russe sur Vrymka, Vesele, Verkhomyanske et Bilohorivka. Un peu plus au nord, les Ukrainiens tentent toujours d’appuyer contre Chervonopopivka. A l’inverse, sur le reste de la ligne reliant le secteur de Kreminna à celui de Koupiansk, les Russes poussent globalement. Aucun changement de ligne de part et d’autre.

Une salve de missiles en milieu de semaine a affecté de façon visible la distribution électrique des Ukrainiens. Quelle que soit la qualité des défenses sol-air de Kiev et malgré les bilans avantageux annoncés (et peu crédibles), ces frappes successives fragilisent en profondeur l’infrastructure ukrainienne et immobilisent des unités de DSA qui ne sont pas sur le front. Pareillement, les manœuvres biélorusses fixent quelques unités au nord de Kiev. Autant d’actions accroissant la tension sur le dispositif ukrainien qui tient pourtant.

Appréciation militaire : il est très difficile de commenter utilement ce qui se passe puisque dans ce combat de position, l’essentiel réside dans le niveau de pertes des belligérants, qui reste inconnu. Nous avons évoqué la semaine dernière le RAPFEU et l’évolution de la tactique russe. Malgré tout, l’impression qui domine est celle d’une neutralisation mutuelle. Observons néanmoins que la défensive a l’avantage. Les Ukrainiens, installés sur leurs positions depuis des mois, résistent à la vaste pression russe. Pareillement, les Russes qui se sont installés sur un vague rebord de terrain à l’ouest de Svatove, tiennent leur position depuis maintenant près de trois mois.

On constate ainsi que si les zones urbaines constituent naturellement des môles défensifs redoutables, les zones ouvertes réussissent à être aménagées dans la profondeur (aussi bien horizontale que verticale) et à constituer des lignes assez robustes pour résister aux efforts de l’adversaire. C’est valable des deux côtés. Malgré tout, j’observe une pression russe générale et de moins en moins d’initiatives ukrainiennes. Ce qui revient à poser la question initiale du niveau de pertes : qui est en train de causer le plus de pertes à l’autre ?

L’interview du CEMA ukrainien cette semaine Zaloujny dans The Economist (ici) affirme ce calcul ukrainien : tuer le plus possible de Russes. Mais les Russes font le même calcul. Est-ce donc que l’actuelle pression d’artillerie russe aurait plus de résultats que la résistance ukrainienne ? au contraire, celle-ci réussirait-elle à infliger plus de dommage à l’agresseur ? Nul ne peut le dire.

Un autre débat a eu lieu sur l’objectif de Bakhmout. Beaucoup de commentateurs ont ainsi expliqué que cet objectif n’avait aucune utilité tactique et qu’il ne s’agissait que d’une affaire de prestige, soit pour les Russes, soit pour Prigojine, le dirigeant de Wagner. Passons les spéculations portant sur les calculs politiques de ce dernier. Certains affirment que le groupe Wagner agirait tout seul à Bakhmout, sans coordination avec le reste de l’armée russe. J’en doute. Les unités Wagner disposent peut-être d’une certaine autonomie tactique, mais ils sont forcément intégrés à une manœuvre opérative de secteur. La pression russe est trop uniforme sur l’ensemble de la ligne de front pour qu’il en aille différemment. Or, Bakhmout revêt un intérêt opératif important, sans être essentiel. Au nord (d’où l’importance de Yakovlivka), cela permet de peser à nouveau sur Siversk et de réduire le saillant de Bilohorivka, donc d’alléger la pression sur Kreminna. Au sud, cela permet de poursuivre le dégagement d’Horlivka à hauteur de Toretsk. Les deux actions combinées permettraient d’envisager la reprise de la pression sur Kramatorsk. Il est évident qu’au train où vont les choses, de tels objectifs prendront des mois à être atteints, s’ils le sont. Mais il est faux de dire que Bakhmout n’est qu’un objectif symbolique.

Examinons maintenant la pression ukrainienne sur Svatove. Il s’agit effectivement d’un nœud routier qui mène au nord vers la Russie (Lantrativka), au sud à Kreminna (deux routes parallèles dont la P 66 à l’ouest), à l’est vers le reste de l’oblast de Lugansk (deux routes vers Bilokurakyne et Starobilstk). Le prendre entraverait logiquement l’organisation défensive russe de la région et notamment cette ligne d’arrêt qui court de Kreminna à Koupiansk. Notons que pour l’instant, les Ukrainiens ont du mal à atteindre la P66 (à un endroit)  même s’ils la tiennent sous leur feu ; Et qu’aujourd’hui, les Russes ont assez de pénétrantes et de rocades de substitution pour conduire leur manœuvre logistique. Malgré tout, leur situation est fragile. Mais l’ukrainienne n’est pas des plus favorables,  puisque les forces de Kiev sont coincées entre cette ligne de front et la rivière Oskil, aux points de passage limités entre Koupiansk et Lovoze. Bref, si on comprend l’effort ukrainien dans cette zone, la configuration du terrain le rend difficile.

Analyse politique : pratiquement rien à dire cette semaine, sinon que le soutien occidental à l’Ukraine a été réaffirmé.

Je vous souhaite dès à présent de joyeuses fêtes de Noël (je ne suis pas sûr de faire un point le 25 décembre…)

OK

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