Déconfinés vous-mêmes ! (Le Cadet n° 71)

On entre en confinement quand on veut, n’a pas écrit Machiavel, on en sort quand on peut. C’est comme la guerre : si on s’y engouffre sans fixer les conditions de sortie, à défaut d’en anticiper les modalités, on s’y piège dix, vingt ans ou plus. Voir Barkhane. C’est très exactement ce qui a été fait en confinant toute la France à la mi-mars, sans préavis ni préparation. A cette date, le système d’alerte n’avait ni fonctionné – et c’est l’exonérer que de mettre cette défaillance uniquement sur le dos du despotisme chinois – ni davantage permis de gérer la crise au jour le jour. Nous avons, incrédules, assisté à la paralysie non seulement des organes de prise de décision mais du système informationnel lui-même.

Source

La peste de 1720 aurait pourtant dû suggérer un modèle. On avait alors isolé une partie du territoire et il reste en Provence les vestiges du muret construit par les corvées royale et papale et surveillé par la troupe. C’est cela qu’on nomme quarantaine. Quant au confinement qui doit être individualisé, on avait identifié trois catégories et trois lieux d’isolement gradués : pour les malades, pour les convalescents et pour ceux en contact avec les précédents. Et on délivrait un passeport de santé. Mais c’est à l’entrée qu’il fallait faire tout ça, pas comme protocole de sortie. A quoi bon imposer des masques en période de ressac ? Pour prévenir une très hypothétique seconde vague ? A quoi sert de tester – et jusqu’à quand – une population pour prouver qu’elle est redevenue saine, alors que ce sont les personnes atteintes qu’il fallait identifier au tout début ? La France de 2020 fait tout à l’envers de celle de Louis XV, qui anticipait de trois siècles la manière dont la Corée du sud, Taïwan et même la Chine ont géré leur crise.

Source : Mur de la peste dans le Vaucluse, édifié en 1720 pour isoler les régions atteintes.

On aurait aussi pu, pour une fois, écouter les économistes : une riche nation millénaire de presque 70 millions d’habitants, puissante et industrieuse, peut se permettre d’encaisser 50.000 décès. Dis comme cela c’est violent, mais c’est un arbitrage dont le pouvoir politique prend la responsabilité devant les citoyens et s’en explique. Par renoncement, il a préféré arrêter l’économie et plonger le pays dans la récession : déficit d’autorité et surtout de légitimité.

Mais pour en sortir, il doit toujours arbitrer entre production industrielle et santé publique : pourquoi ne pas l’avoir fait d’emblée ? Pourquoi y ajouter des atteintes aux libertés, comme des restrictions de circulation, de stupides interdictions de plages, des brigades de contrôle, des unités cynophiles, et pour ceux qui auront été infectés, leur carte Vitale transformée en passeport jaune de Jean Valjean. C’est tout faire à contretemps. Les présidents des collectivités, les maires, les proviseurs et même les patrons d’entreprises publiques de transport préviennent les ministres de troubles en cas de passage en force. Ils auraient plus vite fait de s’inspirer de Charpin au début du Schpountz : vous n’êtes pas bon à rien, vous êtes mauvais à tout ; on ne sait pas si vous nous saisissez, mais nous, on se comprend.

Le Cadet