Bilan hebdomadaire n° 57 du 23 avril 2023 (guerre d’Ukraine)

La consolidation se poursuit lentement en cette fin de saison des pluies.

carte : https://twitter.com/Pouletvolant3/status/1650030305233850370/photo/2

Depuis ce matin, les comptes ukrainiens font grand cas d‘une prise de gage, à l’est de Kherson, sur la rive gauche du Dniepr : un village aurait été repris, situé sur un banc de sable marécageux le long du fleuve. Notons que ce n’est pas la première fois que les Ukrainiens font des incursions sur cette rive du Dniepr, prennent des photos puis repartent. Les Russes affirment avoir déjà chassé le détachement ukrainien. Nous verrons bien si l’affaire est plus sérieuse qu’il y paraît.

Front de Zaporijia : quelques combats aux alentours d’Houliapolje. Stabilité à Vouhledar. Au sud de Donetsk, quelques grignotages russes dans Marinka. Stabilité également à Avdidvka. Rien de significatif de Siversk à Koupiansk.

A Bakhmout, les Russes progressent méthodiquement mais très lentement. Ils auraient coupé physiquement la route 506 au nord-ouest de Khromove, qui était de toute façon sous leur feu et ne servait plus aux Ukrainiens. Dans la ville, les Russes sont désormais à l’ouest de la voie ferrée. Les Ukrainiens cèdent progressivement et s’apprêtent à se retrancher derrière une ultime place forte constituée d’un quadrilatère de hauts immeubles au sud de la ville. Les Russes vont essayer de les déborder à l’ouest par un quartier résidentiel, par le sud en coupant à travers le carrefour du Mig 27. Finalement, les deux parties, bien que se combattant durement, s’accommodent du déroulé des combats : Les Russes car ils étrillent les défenses ukrainiennes, les Ukrainiens car ils gagnent du temps, avec l’objectif d’être encore dans Bakhmout le 9 mai, pour ne pas donner la victoire symbolique à Moscou.

Appréciation militaire : le coup de sonde au travers du Dniepr est habituel et ne devrait logiquement pas constituer quelque chose de conséquent. Au mieux, c’est une diversion pour fixer les Russes « ailleurs », avant la grande offensive annoncée.

A mon avis, il faudra encore l’attendre. La météo n’est toujours pas clémente, tous les matériels des occidentaux ne sont pas encore sur place, les dernières troupes formées à l’Ouest ne sont pas rentrées, il reste des brigades à former. Rappelons enfin que l’an dernier, les Ukrainiens avaient déjà annoncé une grande offensive à cette époque de l’année et qu’elle n’a eu lieu qu’en août. A Bakhmout, ils ont cédé méthodiquement, profitant des combats urbains pour fixer l’effort russe, dans une météo défavorable.

Quant aux Russes, je m’interroge sur leur inertie actuelle. S’agit-il de l’essoufflement à la suite d’une campagne d’hiver finalement décevante ? De la consolidation d’un système défensif en attente de la contre-offensive ukrainienne ? de la préparation d’un grand coup que personne n’évoque mais qui prendrait tout le monde par surprise ? Toujours est-il qu’ils se contentent de leur micro-avancée à Bakhmout, le temps passant permettant à leur adversaire de s’organiser dans la profondeur.

Appréciation politique : Avez-vous remarqué comme peu à peu, la guerre d’Ukraine s’éteignait dans les médias ? Certes, il y a peu de nouvelles à annoncer et les combats de Bakhmout ne font pas vraiment l’actualité. Certes aussi, d’autres priorités régissent les médias sur les différentes scènes intérieures, sans même parler des affaires internationales (rumeurs de paix au Yémen, guerre civile au Soudan). L’Ukraine passe au second plan.

Observons également qu’on n’entend plus Zelensky, lui qui était maître dans la production régulière de sorties médiatiques destinées à revigorer le soutien occidental. Depuis six semaines, il est d’une discrétion surprenante. L’affaire des fuites américaines a forcé à parler d’autre chose (même si l’affaire fleure furieusement le coup fourré de services américains, pour des raisons plus intérieures qu’internationales : le passé nous a maintes fois servi ce genre de scénarii).

Même le grand récit de la contre-offensive peine à marquer les esprits : les doutes émis par les médias américains depuis plus de deux mois font que personne ne croit plus vraiment à un succès stratégique. Chacun a compris que les renforts de matériels occidentaux étaient finalement de faible volume et que les Ukrainiens ne disposait que d’un fusil à un coup, qui pourrait procurer un succès localisé, au mieux opératif. Autrement dit, le scepticisme est de mise.

Ici vient un de mes questionnements : celui du blocus sur le grain ukrainien décidé par la Pologne (et suivi par ses voisins d’Europe de l’Est). Il y a certes des signes évidents de corruptions et d’abus, mais je suis surpris de la visibilité donnée à cette décision de Varsovie à l’encontre du pays qu’elle soutient sans faillir depuis des années. Ce raidissement, sous prétexte de politique intérieure (mécontentement des paysans polonais) surprend. Voici donc un certain nombre de signaux faibles qui laissent perplexes.

Je ne fais que les constater, sans vraiment tous les expliquer. L’avenir nous en dira plus…

Bonne semaine

OK

3 thoughts on “Bilan hebdomadaire n° 57 du 23 avril 2023 (guerre d’Ukraine)

  1. Au sujet du grain ukrainien en Pologne: il était vendu à bas prix dans toute l’Europe de l’Est, et ruinait l’agriculture polonaise dont les lobbies sont très puissants. Aussi simple que cela. Au passage, inutile de dire que la Pologne soutient à fond (je rigole) l’entrée de l’Ukraine dans l’UE…

    La morale n’a rien à avoir avec le soutien au pays failli et corrompu qu’est l’Ukraine !!! La Pologne a des projets avec ce pays qui va disparaitre dans tous les cas: l’annexion de sa partie ouest (Galicie Volhinie) au minimum, et le grand rêve des années 20 toujours actif chez les débiles en roue libre qui peuplent les marges droitière d’une culture ravagée par l’histoire: l’empire des deux mers…

    On peut ne pas partager l’interprétation faite ici des fuites américaines. Il se pourrait qu’une partie de l’establishment américain prépare déjà les portes de sortie. L’ampleur du mensonge américain sur les performances ukrainiennes vaut l’affaire de la puissante armée irakienne de 91, sans parler des flacons de poison brandi en 2003 par le chef des armées. Aujourd’hui, c’est à nouveau un noir américain qui rassure sous serment, ici devant le congrès, et ça commence à se voir.
    Le traitement communicationnel de la perte de Bakhmut va être un plaisir à regarder.

      1. Ce que vous citez est effectivement ce que certains pensent et disent « à l’ouest ». Ne sachant ni pourquoi ni comment ils peuvent dire des choses pareilles, on rappellera qu’il semblerait bien que ce jugement soit absolument faux et que cela soit le contraire exact qui vaille….
        On remarquera que le jugement en question, néanmoins, semble prendre acte de la prise imminente de la ville, alors que l’armée russe jugée incompétente et lâche reste décrite comme devant être vaincue, également de manière imminente…

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