Bilan hebdomadaire n° 21 du 24 juillet 2022 (guerre d’Ukraine)

La semaine peut être caractérisée par le mot de piétinement. Malgré les commentaires lunaires des deux camps (celui-ci qui se félicite de voir des djihadistes tchétchènes dans les tranchées ukrainiennes, celui-là qui explique sérieusement que la Russie affronte la plus grosse armée d’Europe), le terrain connaît une certaine indécision. Elle est plutôt à l’avantage des Ukrainiens cette semaine même si cet avantage est millimétrique.

La plupart des secteurs sont restés assez calmes : Kharkov, Horlivka, Donestsk, Zaporizhia. Les duels d’artillerie se succèdent mais à un rythme moins soutenu, on parle de quelques opérations commando. Même le secteur d’Izioum est resté calme.

L’activité s’est donc concentrée d’abord dans le secteur de Siversk à Bakhmout. Ces deux localités sont au fond du thalweg : les UKR ont donc décidé de résister sur leurs positions du coteau est et y sont assez bien parvenues. Elles auraient même repris ici ou là quelques dizaines de mètres à Hryhorivka, au N, reperdus depuis. La pression RU s’exerce toujours même si l’on sent moins d’effort et de coordination que pour la réduction de la poche de Syssitchansk. Verkhnokamyanske est toujours disputée, Ivano Darivka toujours sous contrôle UKR. Siversk semble donc tenue, ce qui est à l’avantage des UKR.

Les choses sont plus compliquées en descendant au sud vers Soledar. Il n’y aurait plus de position UKR à Berestove mais les feux d’artillerie UKR empêchent les RU de prendre contrôle des ruines du village, disputé depuis des mois. Si la route T1302 demeure encore sous contrôle UKR (sans pouvoir l’utiliser pleinement), les RU seraient arrivés entre Volodomyrrivka et Nova Kamianka. De premiers combats se dérouleraient à Bakhmoutske, faubourg de Soledar.

Au sud-est de Bakhmout, les RU annoncent la prise de la centrale de Vuglehirska. Elle était menacée depuis des semaines et il serait logique que cette poche soit réduite prochainement, si l’information est confirmée. Les RU seraient à Vesela Dolyna, qui domine directement Bakhmout.

Du côté de Kherson, la grande offensive UKR annoncée depuis des semaines aurait débuté. Peu d’informations précises pour l’instant. Dans le nord de la poche, l’annonce de l’encerclement de 1000 soldats RU s’avère une grossière infox. Au centre, les UKR auraient traversé à nouveau la rivière Inhulets à hauteur de Davidi Brid, comme il y a quelques semaines. Plus au S enfin, la zone grise au NO de Kherson reste disputée, sans que l’on sache exactement les progrès des parties. Les autorités UKR gardent le silence sur le déroulé des opérations encours dans la poche. La semaine passée a vu quelques opérations commando jusque dans la ville. L’artillerie de précision UKR a visé les ponts de Kherson, essentiels à la logistique RU.

Commentaire militaire : Ce piétinement a duré toute la semaine, jusqu’à ce dimanche où les deux parties semblent avoir relancé leur effort. Il faut rester prudent dans l’appréciation de cet effort et surtout sur les résultats obtenus.

Logiquement, les RU font pression à l’E dans le secteur Slaviansk – Siversk – Bakhmouth. Les progrès sont très lents. Est-ce dû à un regain de prudence ou à une fatigue des unités et un ralentissement de la logistique en munitions ? Les deux hypothèses sont possibles.

Tout aussi logiquement, les UKR font pression sur la poche de Kherson, la plus favorable. Un premier succès a été de forcer le renforcement du dispositif RU dans la zone, qui l’élèverait à 10.000 soldats : autant de troupes qui ne font pas pression ailleurs.

Il reste à examiner les résultats des uns et des autres. La tenue UKR à SIversk/Bakhmouth peut être considérée comme un succès. Les commentaires triomphants lus en faveur d’un camp ou d’un autres semblent évidemment excessifs.

Commentaire politique : sur le plan politique, beaucoup de choses se sont passées. Tout d’abord, la chute de M. Draghi en Italie Il était partisan d’une posture ferme envers la Russie. Pour l’UE, c’est une difficulté supplémentaire puisque la question des équilibres budgétaires et financiers se pose plus crûment et va prendre la priorité. Ainsi, les divergences intra-européennes sont plus visibles notamment sur la question de l’énergie. On a ainsi levé temporairement les sanctions pour permettre l’approvisionnement en gaz tandis que certains pays (ESP, POR, IT) refusent une solidarité gazière promue par la Commission. La question énergétique devient de plus en plus prégnante et affecte logiquement le traitement politique du conflit en Europe.

La grande nouvelle a été la signature, sous les auspices des Nations-Unies et de la Turquie, d’un accord entre les deux pays sur l’exportation de céréales à partir d’Odessa. La venue des N-U est significative de la perte d’influence d’autres acteurs. Notons que les cours mondiaux de céréales semblent revenir à des niveaux raisonnables, ce qui est une bonne nouvelle.

L’accord illustre enfin que des négociations peuvent avoir lieu entre les parties, à l’abri des caméras et des commentateurs et malgré toute la propagande officielle des deux côtés. Ces discussions se font avec des acteurs neutres. Il est significatif que l’accord sur les céréales devrait entraîner une levée des sanctions directes ou indirectes contre exportations de céréales et engrais russes.

Nous verrons donc dimanche prochaine si la pause opérationnelle est réellement terminée et quels résultats les deux offensives en cours auront donné. A dimanche.

OK

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