Bye-bye Brexit ? (Le Cadet 65)

Il n’aura fallu qu’un week-end de la Toussaint pour que les Brexiters les plus intransigeants, ceux prêts à se sacrifier pour la cause jusqu’au dernier Écossais, opèrent un spectaculaire empannage au lendemain d’une interview du président américain, le temps de prendre la mesure de l’amitié toute philanthropique que portent à l’Angleterre ses anciens colonists : si elle ne rompt pas totalement avec le Vieux Continent, avertit Trump, elle trouvera porte close et devra se passer d’un accord de libre-échange. La révélation récente des exigences américaines – que le Royaume Uni mette tout sur la table des négociations y compris le système de santé – a de quoi faire réfléchir les plus américanophiles – et contrairement aux idées reçues, les sujets de Sa Majesté en comptent assez peu. Plus question de jouer l’UE contre les USA et de faire monter les enchères. Mais entre se faire tondre comme un mouton des Shetland et que mort s’ensuive, ouse faire dévorer immédiatement par le loup, Londres a choisi la leçon de Brassens, de mourir pour une idée mais de mort lente. Vive l’Europe quand même, un pied dedans un pied dehors certes, mais plus question de No Deal.

D’autant que tout comme l’Écosse n’a aucune envie de se retrouver de nouveau seule dans son face à face pluriséculaire avec la paix des Gallois et celle des rois d’Angleterre, comme chantait de son côté Sardou, de même aucun insulaire n’a intérêt à discuter avec Trump sans solution de repli, ni envie de voir pillés les derniers atouts qui restent d’un demi-siècle de désindustrialisation. Il y a la City, me direz-vous. Mais combien de temps tiendra-t-elle face au rouleau compresseur américain, et aux appétits d’ogre d’une puissance improductive qui se sait en déclin. Répétition, qui plus est, d’une situation déjà vécue : la dernière fois que l’Angleterre s’est trouvée seule, à l’été 1940, elle dut se dépouiller au titre du Cash & Carry de tout son or, de la plupart de ses actifs coloniaux et d’une partie de ses confettis impériaux, avant que l’Amérique ne consente à l’aider dans son combat contre le nazisme, après huit longs mois de palinodies et de dérobades. Les mémoires de Churchill en témoignent amèrement.

Mais mauvais calcul également pour l’Amérique : à quoi, une fois quelle serait ravalée non pas simplement au rang de 51ème état mais à celui de 14ème colonie, pourrait bien lui servir la vieille Angleterre ? Les États-Unis ont d’autres affidés sur le continent surtout dans sa partie orientale, dans ces marches toujours dans la soumission à l’empire, qu’il souffle du Levant ou du Ponant. Ils n’ont pas davantage besoin de chevaux de Troie pour couler nos entreprises et siphonner nos brevets, Alstom hier, Latécoère demain. De leur côté les Anglais tiennent autant à leur Fish & Chips que les Écossais à leur panse de brebis farcie, et ni les uns ni les autres ne sont disposés à troquer nos bœufs de Salers contre du poulet chloré de Virginie. Le Grand Large n’est pas pour demain.

Le Cadet (n° 65)

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