Bilan hebdomadaire n° 63 du 6 juin 2023 (guerre d’Ukraine)

Semaine agitée, les belligérants voulant prendre l’initiative. Ce billet, publié avec un jour de retard, ne sait pas encore si nous assistons au déclenchement de la contre-offensive ukrainienne.

Progressons dans l’ordre d’importance des événements. Tout d’abord, la destruction le 31 mai d’un navire ukrainien dans le port d’Odessa, présenté par les Russes comme le dernier bâtiment de la marine ukrainienne. Réplique à l’attaque du Khurs la semaine d’avant.

Ensuite, les Ukrainiens ont continué de lancer la soi-disant unité autonome russe pro-ukrainienne au nord de Kharkiv, cette fois-ci dans les villages de Novaya Tavolzanka et de Chebekino, cette fois au SE de Belgorod.

Depuis le début de la semaine, les Russes avaient eux aussi repris leur poussée en plusieurs points. Du nord au sud : poussée vers Koupiansk et annonce (non-confirmée) du franchissement de la rivière Oskil au nord de Dvorichna. Poussée à l’ouest et au sud de Kreminna et bien sûr Bilohorivka. De même, ils se dégagent au nord et au sud de Bakhmout (zone des réservoirs, hauteurs de Klichikivka). Ils ont essayé de pousser autour d’Avdivka, mais les Ukrainiens auraient contre-attaqué à Opytne. Quelques micro avancées russes à Marinka.

Sur tout le secteur sud, ce sont les Ukrainiens qui avaient procédé à des petites prises de terrain, vers Novomykhailivka, Vouhledar, Kamianske. Il s’agissait le plus souvent de prises de zones grises.

Depuis dimanche, on assiste à un changement de style avec des reconnaissances offensives sur plusieurs points du front sud. Tout d’abord, deux poussées ont été effectuées à Novopil et à Velyka Novosilka (VN). Il semble que ces attaques aient été repoussées. Les Ukrainiens auraient relancé l’action aujourd’hui lundi, notamment à l’est de VN, à hauteur de Novodonetsk. Des chars Léopard auraient été aperçus (non confirmé). De même, on signale une poussée ukrainienne dans le Donbass, vers Soledar (non confirmé). Enfin, des combats ont eu lieu plus à l’ouest du front vers Mala Tokmachka et plus à l’est vers Vouhledar. Je n’irai guère plus loin, la situation étant encore très confuse…

Analyse militaire : Nous sommes clairement passés dans la phase « après Bakhmout » qui a retenu notre attention pendant cinq mois. Ce qui est intéressant est que les deux parties ont voulu prendre l’initiative, de façon différente.

Mettons de côté les actions sur ce qui n’est pas encore un front nord, à Belgorod, même si une à deux compagnies ukrainiennes asticotent les garde-frontières. Cela n’est évidemment pas sérieux et personne ne peut croire que les Russes vont tomber dans le piège de dégarnir leurs positions pour aller renforcer cette zone-là. L’explication a pourtant couru les commentaires. A l’échelle du théâtre des opérations, ces diversions sont prises pour ce qu’elles sont : des diversions.

Aussi était-il plus intéressant de regarder la reprise de la poussée russe : il y avait une sorte de message qui était adressé aux Ukrainiens comme aux Occidentaux. Au fond, les Russes ont repris leur mode d’action lent, lourd et terne, passant par de fortes préparations d’artillerie avant d’aller tenter de prendre des positions abandonnées. Je m’attendais à la poussée contre Siversk ou Adivka, j’ai été plus surpris par la reprise d’action contre Koupiansk. A suivre car il est probable que les Russes vont regarder ce qui se passe au sud.

La poussée ukrainienne en trois points du front de Zaporijia, avec effort au centre vers Velyka Novosilka, est particulièrement intéressante. Il semble ainsi qu’une des nouvelles brigades constituées et formées au Royaume-Uni ait été engagée (31 BM, peut-être la 27). Les premiers assauts semblent avoir mobilisé deux à trois compagnies de combat, les suivants auraient été du niveau bataillonnaire. Ces volumes commencent à être conséquents. Pour autant, je suis incapable de dire qu’il s’agit du début de la fameuse contre-offensive.

Cela étant, j’ai peine à le croire car comme le signale Stéphane Audrand, il n’y a pas eu de préparation d’artillerie pour frapper le 2ème échelon russe et notamment son artillerie. Or, à Zaporijia comme ailleurs, le RAPFEU reste à l’avantage des Russes. Déclencher une offensive sans chercher à atténuer ce décalage semble improbable. Observons enfin que les attaques se sont déclenchées tout le long de la ligne de front, comme s’il s’agissait de tester par le feu les capacités de réaction russes.

Un autre point doit être observé : le silence de la communication ukrainienne et la profusion de communication russe. Dans le premier cas, cela fait partie du jeu afin de masquer ses intentions. De la part des Russes, cela montre aussi une sorte de « soulagement » à avoir résisté aux premières actions ukrainiennes. Il reste que les Russes annoncent des chiffres de pertes ukrainiennes assez élevés : on parle de 10 chars, d’une quarantaine d’IFV/APC, de 250 morts. Si ces chiffres étaient confirmés, ils constitueraient un revers pour les Ukrainiens, ce que pointent de nombreux observateurs. Ils sont bien sûr à prendre avec énormément de pincettes mais ils confirment qu’une contre-offensive sera, dans tous les cas, extrêmement meurtrière.

Appréciation politique : La semaine a été marquée par le forum Globsec de Bratislava avec un discours notable du PR français. Pour une fois, il a su parler à l’est de l’Europe, pointer les difficultés d’une solution post conflit et évoqué (enfin) la nécessité d’un pilier européen de l’Alliance. Pour le reste la réunion de la communauté politique européenne à Chisinau a surtout permis une photo de famille, sans plus de déclarations.

Bonne semaine

OK

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