Les conséquences de la guerre d’Ukraine – A British point of view (E. Lambert)

Nous sommes heureux de reprendre la publication d’auteurs extérieurs. Aujourd’hui, Eric Lambert nous propose sa perception des conséquences de la guerre d’Ukraine sur la politique de défense britannique. A L’heure du peu de débat suscité par la Revue Nationale Stratégique, ce point de vue comparatif est bienvenu. LV

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Alors que la guerre d’Ukraine entre dans son dixième mois, tentons d’évaluer dans cet article les conséquences du conflit d’un point de vue britannique, essayons d’en tirer quelques leçons et examinons la situation en mer Noire où se concentre le conflit naval.

Aucune guerre ne se ressemblant, nous nous garderons d’extrapoler trop loin et trop vite à partir des événements spécifiques d’une campagne particulière. Il existe – elles sont parfois très (trop) publiques – de nombreuses « prises de position » écrites par des experts qui ont rapidement décidé que le char de combat était obsolète, que les missiles hypersoniques rendaient tous les navires indéfendables et que les drones (toute taille et tout type) étaient la solution à tous les problèmes. Cependant, comme il s’agit du plus grand conflit sur le continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale, qui comporte également une dimension navale importante, il est nécessaire d’attendre pour analyser les actions menées et d’évaluer dans le temps les nouveaux facteurs à prendre en compte dans l’élaboration de toute stratégie future.

Conséquences globales.

L’invasion de l’Ukraine n’est qu’une étape – importante – dans la division sans-cesse croissante entre les valeurs démocratiques occidentales et les valeurs autoritaires de la Russie et de la Chine. La polarisation du monde en deux systèmes de valeurs concurrents est en cours depuis le milieu des années 2000 mais les tendances récentes ont vu un durcissement des attitudes des deux côtés. Cette division est désormais si prononcée que le processus de mondialisation économique, qui a apporté une période de prospérité inégalée à des milliards de personnes, est en train de s’inverser. Dans un avenir prévisible cela se traduira par des pénuries d’énergie, de nourriture et de matériaux, ainsi que par une hausse des coûts tant pour le consommateur que pour la base industrielle et technologique de défense. Une baisse significative de revenus d’une partie non négligeable de la population des grandes démocraties est également susceptible d’entraîner des troubles sociaux graves et une instabilité politique accrue.

Il ne faut pas nier qu’une partie de cette situation est due aux conséquences involontaires de la guerre, telles que la pénurie de céréales et les sanctions contre la Russie, mais il existe une tendance plus profonde et préalable au conflit et ceci même avant la pandémie de COVID. On peut retracer – à partir de cette date – les premiers efforts pour se découpler d’adversaires potentiels peu fiables. C’est particulièrement vrai de l’industrie manufacturière chinoise, comme le démontre la tendance américaine à relocaliser la production sur le territoire américain ou dans des pays jugés plus fiables. Cette tendance a commencé en 2018. La main-d’œuvre chinoise n’est plus aussi bon marché qu’auparavant, et les facteurs politiques, logistiques et environnementaux ont désormais autant de poids que les résultats financiers.

Concevoir et adopter une stratégie de long terme afin d’exploiter la concurrence entre grandes puissances est une chose que les gouvernements autoritaires (Russie, Chine, Iran et dans une certaine mesure l’Inde) font efficacement depuis un certain temps, alors que le Royaume-Uni et une grande partie de l’Europe sont à la dérive. Cela est dû en partie à la durée des cycles électoraux occidentaux – doublé d’une instabilité gouvernementale chronique comme le démontre l’état actuel du gouvernement britannique- mais aussi à la vague croyance que le marché libre l’emportera toujours, que la planification stratégique à long terme est un luxe coûteux ou une sorte de survivance d’un passé impérial (ou pire socialiste) incompatible avec une vision de plus en plus libertarienne du rôle de l’État – là aussi l’évolution du parti conservateur est un des facteurs aggravants pour le Royaume-Uni.

Investir dans sa défense pour projeter sa puissance à travers le monde et veiller aux intérêts du Royaume (Global Britain dans sa vision initiale post-brexit, voir LV 165) est vital et doit devenir une stratégie intergouvernementale et multipartite beaucoup plus large et holistique que la politique de défense britannique actuelle et ceci afin de protéger le Pays, assurer  sa sécurité, sa prospérité et sa capacité d’action autonome à long terme. La revue stratégique de 2021, extrêmement (trop) ambitieuse, reconnaît cet état de fait mais n’a que récemment lancé le développement d’une « stratégie nationale globale de résilience ». Un tel travail aurait toujours dû être au cœur de la planification gouvernementale depuis des décennies. Comme nous l’avons récemment découvert, des mesures de résilience nationale ne peuvent être mises en place en quelques semaines mais nécessitent des années de préparation. Par exemple, les deux dernières « Defence Review » avaient classé une pandémie comme une « menace de priorité 1 », mais lorsque cette dernière est survenue, aucune planification n’avait été faite, presque aucune ressource n’y avait été dédiée, ce qui a entraîné une réponse bâclée et une prise de décision au pied levé (La chose étant également vraie pour la plupart des pays européens).

De même si les gouvernements britanniques ne peuvent plus contrôler les prix mondiaux des produits de base (énergie, alimentations, médicaments), une meilleure planification eut pu atténuer une grande partie de la crise du coût de la vie (presque 11 % d’inflation sur les seules denrées alimentaires et – avant les mesures gouvernementales – 200 % sur les prix de l’énergie) causée par la flambée des prix du gaz. Dans le cadre de la « ruée vers le gaz » des années 1990, les abondantes réserves nationales de charbon utilisées pour la production d’électricité ont été remplacées par des alternatives plus propres et « moins chères » au GNL. Dans le cas du Royaume-Uni ce fut environnementalement responsable mais souverainement imprudent. En effet, cette décision n’a pas tenu compte des risques stratégiques inhérents au fait de mettre le pays à la merci de fournisseurs étrangers et de l’exposer davantage aux fluctuations des prix mondiaux. Plus de la moitié du gaz britannique provient de la mer du Nord et de la Norvège, qui sont raisonnablement fiables, mais une partie est importée du Moyen-Orient et des États-Unis par voies maritimes. Les méthaniers géants seraient des cibles faciles en cas de conflit et même l’infrastructure sous-marine des gazoducs est vulnérable aux interférences comme le démontrent les récentes actions en Baltique et en Méditerranée.

La réponse à long terme est bien sur un mix nucléaire / renouvelable, mais le maintien de quelques centrales électriques au charbon pouvant être remises en service pour faire face à une pénurie de gaz ou à la flambée des prix du gaz aurait été l’une des nombreuses options pour une meilleure résilience énergétique post Brexit.

L’Allemagne, le moteur économique de l’Europe, fut mise en garde à plusieurs reprises contre cette politique, mais fut particulièrement imprudente – et dogmatique comme seule l’Allemagne sait l’être – en devenant presque entièrement dépendante de la Russie pour son approvisionnement en gaz en réduisant de manière coupable sa production d’énergie nucléaire. Si l’industrie allemande devait subir des arrêts de production en raison d’un manque de gaz, cela aurait un effet important sur des pans entiers de l’économie britannique qui dépendent des importations allemandes.

Mais sur ce point il sera difficile et même impossible pour la classe politique britannique d’adopter une position morale sur cette question, elle qui par faiblesse continua d’accepter et même de rechercher – et ceci malgré Salisbury – les investissements russes, allant même à faire créer membre de la chambre des Lords les fils de généreux donateurs proches du Kremlin.

De quelques enseignements.

Stockage de munitions – le cas de la Royal Navy.

La « bataille » d’Ukraine est riche d’enseignements qui dépassent le cadre de cet article – et certainement les compétences de son auteur – mais on peut supposer que l’armée russe a démontré comment ne pas mener une guerre à tous les niveaux, du stratégique au tactique. S’il y a une leçon que le Royaume-Uni doit réapprendre, c’est le volume de munitions consommées dans un conflit réel. Si les chiffres publics sont à peu près exacts, les stocks de munitions de l’armée britannique dureraient environ deux semaines au rythme de consommation actuel de l’Ukraine et seulement deux jours au rythme russe.

Une pénurie similaire affecte la Royal Navy. Il est difficile d’obtenir des chiffres précis, mais il est bien connu qu’il existe une pénurie d’armes complexes. Il n’est pas difficile d’imaginer que, dans un conflit entre pairs, un navire de combat de premier rang type T45 pourrait tirer toute sa panoplie de missiles en un après-midi bien rempli – un problème similaire aux Horizons françaises. Si l’on met de côté les problèmes liés à l’incapacité de reconfigurer et / ou recharger les cellules VLS en mer, combien de stocks seraient disponibles pour réarmer les navires revenant d’opérations de combat ? Pour les forces britanniques – et la Royal Navy en particulier – il y a un équilibre très difficile à trouver entre la constitution de stocks importants de missiles – unitairement coûteux – et des dépenses jusqu’à présent jugées plus importantes telles que le remplacement et / ou l’augmentation du nombre de plateformes.

Trame anti-char – Le cas de l’Army

Le succès du NLAW (Next generation Light Anti-tank Weapon) – notamment le modèle suédois fabriqué par SAAB – a entraîné un pic soudain de la demande, soulignant le manque de capacité industrielle à s’adapter à un conflit soudain de haute intensité. Les NLAW sont bien entendu demandés par les forces ukrainiennes afin de remplacer les plus de 5 000 missiles britanniques déjà donnés. Cette efficacité constatée et désormais « combat proven » provoque également une forte hausse de la demande à l’export. A cela s’ajoute dans le cas britannique la nécessité de compenser la réduction massive du nombre de chars de combat en service (148 Challenger III sont prévus. Il y avait 447 Challengers 2 en service en 2002).

Pour renforcer ce segment moyenne portée de la trame antichar britannique, il faudra un certain temps. Il convient d’abord de relancer la production. Les composants et sous-systèmes – sur lesquels reposent cette production – s’appuient sur des chaînes d’approvisionnement mondiales, au mieux chancelantes, et pourraient être difficiles à maintenir. De fait, la pure logique comptable du MoD – et surtout de l’Échiquier – va devoir évoluer et maintenir ouvertes des chaînes de production d’armes clés, en produisant de petites quantités en temps de paix, mais en étant capable de les augmenter à nouveau rapidement pour répondre à un pic de la demande. Un changement de paradigme complet au sein de la « supply chain » de défense britannique va donc devoir être réalisé en pleine crise financière.

Capacité d’adaptation et dualité

Les premiers retours d’expériences des combats tendent à démontrer que les drones (aériens ou navals) permettent d’atteindre des cibles plus rapidement et à une plus grande distance qu’auparavant. On découvre – non sans stupeur – que des armes bon marché mais intelligentes peuvent vaincre des plateformes coûteuses si elles ne sont pas protégées de manière adéquate ou si elles sont déployées sans prêter une attention particulière à la situation tactique. Dans certains cas, des systèmes commerciaux déjà prêts à l’emploi peuvent être rapidement reconvertis et utilisés pour obtenir un effet décisif. Ces exemples tirés de la bataille terrestre, et des actions navales de ces derniers jours, démontre qu’une « doctrine » d’emploi terrestre peut être transposable directement à l’environnement naval avec des  principes et des effets similaires notamment la capacité à neutraliser des plateformes de surface complexes et couteuses à l’aide de plateforme au coût restreint. L’asymétrie économique constitue, de ce fait, un des principaux enseignements de cette guerre pour les forces britanniques, promptes – à l’instar des forces américaines – à verser dans le tout technologique.

De fait, les ministres britanniques de la défense vont devoir réaliser des arbitrages entre quelques capacités high tech en nombre de plus en plus réduit et des alternatives moins coûteuses donc plus nombreuses et permettant une re-densification des forces armées de Sa Majesté. Le cas va rapidement se poser dans le cas de l’aéronavale. D’un côté une vision ambitieuse de la future flotte de F35 et de l’autre un plus grand nombre de drones lancés par les 2 porte-avions, qu’il s’agisse d’UCAV haut de gamme (type TARANIS / x47b ou Reaper MQ9), ou de drones en essaim plus simples mais nécessitant la création d’une doctrine de swarming au sein de la Royal Navy.

Une drôle de guerre…. Navale.

Asymétrie et innovation low cost.

La dimension navale du conflit ukrainien est… étrange, nouvelle et tient, sur le papier, de David contre Goliath. Un conflit sur un théâtre par nature restreint (la Mer Noire), se déroulant proche des côtes (environnement littoral) sans possibilité d’amener des renforts en raison de l’application des traités de Montreux. Il est incroyable que la flotte russe de la mer Noire n’ait pas réussi à influencer de manière significative la guerre terrestre, malgré l’absence – de facto – d’un adversaire. Dès février, la flotte russe a établi un blocus maritime, coupant rapidement l’Ukraine de tout réapprovisionnement par voie maritime et étranglant son commerce et démontrant sa supériorité apparente.

Mais le naufrage du Moskva (et les questionnements qui suivirent sur sa réelle capacité de combat), le plus grand combattant de surface sur la zone d’opération, l’incapacité des forces russes à tenir l’île des Serpents, stratégiquement importante, et la menace des missiles antinavires côtiers ont contraint la flotte russe à se tenir à bonnes distances de côtes ouest ukrainiennes, obligeant ses principaux bâtiments à opérer plus au sud et à l’est, où leur influence est limitée. Le seul gain opérationnel semble être le contrôle total de la mer d’Azov, ce que personne ne lui contestait vraiment.

Du côté ukrainien, la donne est tout autre. L’absence de bâtiments de premier rang a obligé la marine ukrainienne à improviser et à innover en accroissant la portée ses drones et en augmentant la capacité de projection de ses forces spéciales avec pour objectif de menacer des cibles majeures.

  • Le 31 juillet, un drone a été utilisé pour une frappe mineure sur les bâtiments du quartier général de la flotte de la mer Noire à Sébastopol (un test ?).
  • Le 9 Août, attaque contre la base aérienne de Novofedorivka qu’il s’agisse d’une frappe de missiles à longue portée ou d’une opération des forces spéciales/partisans, menace la mainmise de la Russie sur la Crimée. Il semblerait qu’un certain nombre de SU-24 (Fencer) et SU-30 (Flanker) aient été détruits, infligeant à la Russie la plus grande perte d’avions en une seule journée depuis la Seconde Guerre mondiale (certains de ces appareils furent de ceux qui testèrent le HMS Defender lors de son transit en mer Noire en juin 2021).
  • L’action ukrainienne la plus audacieuse et ouvrant la porte à un nouveau type d’engagement naval en espace littoral contesté étant l’attaque de Sébastopol du 29 Octobre où un panachage de drones navals et aériens ont entamé un peu plus le capital de surface de la Flotte Russe de la mer Noire. Inédite non dans son mode d’action – déjà largement théorisé depuis 10 ans – mais dans son allonge, sa coordination multi-domaine et sa précision, cette attaque est tout autant une leçon pour les marines occidentales que la flotte russe.

Car c’est bien la première fois que plusieurs type d’USV et d’AUV sont utilisés dans une attaque combinée d’une installation lourdement protégée comme le sont – censément – Portsmouth Clyde ou Davenport. Mais le sont – elles réellement et n’est-ce pas là la principale leçon de cette guerre pour la Royal Navy – comme cela peut l’être également pour la Marine Nationale Française – la protection des bases navales et des unités à quai ?

Mers el Kébir 4.0 ?

Historiquement, la Royal Navy et la Royale (française) devraient – conscientes de leurs histoires respectives – savoir de première main que rien n’est plus vulnérable qu’une flotte à quai. Elles en furent l’une et l’autre des protagonistes opposés en un tragique matin de juillet 1940.

Ce que prouve l’attaque de Sébastopol, c’est que la défense active des ports contre les menaces asymétriques nécessitera une vigilance de tous les instants. La Royal Navy dispose déjà de procédures de protection bien établies et d’équipages bien entrainés aux mesures de protection armées durant les mouvements dans et hors des ports.

Le défi réside dans le cas où les navires sont à quai et les équipages en quarts normaux.

Cette protection nécessitera une combinaison de capteurs fixes portuaires et de drones de patrouille capables de lancer une alerte avancée, une augmentation des effectifs de sécurité (fusiller marins ou commandos), des armes plus puissantes à cadence de tir élevée en point fixe et sur les unités à quai et le retour à des fortifications flottantes mobiles, les seuls filets de protection ne pouvant arrêter une embarcation légère lancée à pleine vitesse. La Royal Navy devra également revoir complètement ses règles d’engagement et l’utilisation d’artillerie navale ou d’armes automatiques lourdes à proximité de civils, de navires commerciaux et d’infrastructures portuaires non militaires (Portsmouth vient immédiatement à l’esprit) afin de poser le cadre réglementaire d’engagement.

Adaptation et réactivité 

Si l’on considère les leçons de la Guerre d’Ukraine du point de vue Ukrainien, il y a beaucoup à apprendre. Adaptabilité, adaptation et innovation de combat…  Dans le cas d’un RETEX regardant l’attaque de Sébastopol, il pourrait être utile que les marines de l’Otan (US Navy, Royal Navy et Marine Nationale en tête) développent leurs propres USV d’attaque.

Si le Royaume-Uni tentait de mettre en service une capacité similaire en utilisant ses processus d’acquisition actuels, l’acquisition finirait probablement par être (très) coûteuse, échantillonnaire, et devrait passer par des séries de tests et de certifications internes qui prennent des années et rendraient obsolètes les matériels achetés tant le rythme de l’innovation militaire s’est emballé ses derniers mois

La guerre d’Ukraine nous démontre que ces process sont dépassés. La guerre est un vecteur d’innovation et, dans certains cas, d’évolution technologique et doctrinale rapide qui nécessite qu’une petite équipe travaillant avec un petit budget et la possibilité de faire des achats sur étagère soit autorisée à se lancer dans de l’innovation tous azimuts, de l’innovation « low cost », réactive au RETEX du front et rapidement déployable. Une approche churchillienne pour ceux qui se souviennent que les premiers tanks furent lancés grâce à un certain premier lord…de l’amirauté ou que les offensives qui suivirent le débarquement furent rendues possibles par des caissons en béton transportables pensés dans la baignoire du même Churchill alors premier ministre.

Les programmes menés par l’Accélérateur de défense et de sécurité (DASA) du MoD vont dans le bon sens en tentant de développer plus rapidement des capacités en cycle court mais restent trop liés aux contraintes administratives du temps de paix et aux frilosités des grands groupes de défense pour qui l’innovation « low cost & off the shelve » est une menace économique et une impossibilité organisationnelle.

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Eric Lambert

Eric Lambert est associé d’un cabinet de conseil travaillant à Londres et à Paris.

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