En Ukraine, ça ne va pas fort (P. Tran Huu)

Un de nos chercheurs associés, P. Tran Huu, nous propose ce texte sur la question des négociations en Ukraine. Merci à lui. LV

La situation en Ukraine tient de la problématique du verre à moitié vide ou à moitié plein selon l’analyse qu’en font les experts sur les chaînes d’information en continu.

En cette fin du mois de novembre, il faut reconnaître que malgré la contre-offensive ukrainienne, l’armée russe occupe plus de territoire qu’à la fin de 2022. Certes, l’armée ukrainienne fait toujours preuve de détermination et obtient des succès locaux mais au prix de pertes humaines et matérielles énormes car, malgré ce que certains experts affirment, les pertes russes sont beaucoup moins importantes ce qui n’est pas anormal dans la mesure ou l’avantage est toujours pour le défenseur.

Bien sûr, l’Occident pourrait continuer à fournir plus d’armes et de munitions à l’Ukraine dans l’espoir que cela lui permettra de vaincre la Russie mais le problème est que l’Occident a du mal à fournir ce qu’il a promis et que, d’autre part, l’armée ukrainienne semble incapable de percer les formidables défenses russes, quelles que soient la durée et l’intensité des combats. Les forces russes sont retranchées derrière des kilomètres de champs de mines, de tranchées, de pièges et de fortifications et l’Occident peut envoyer davantage de chars, de missiles à longue portée et, à terme, d’avions de combat F-16 ; il n’existe pas de solution miracle capable de renverser la tendance sur le champ de bataille. Comme Valery Zaluzhny, le plus haut général ukrainien, l’a récemment admis : « Il n’y aura probablement pas de percée profonde ».

Le temps ne jouera pas en faveur de l’Ukraine si cette guerre de haute intensité se prolonge L’économie russe et sa base industrielle de défense sont en ordre de marche. Moscou peut importer des armes de Corée du Nord et d’Iran et a également trouvé de nouveaux marchés pour son énergie, alors que les sanctions n’ont eu qu’un effet modeste sur l’économie russe. Poutine semble politiquement sûr et contrôle les leviers du pouvoir, depuis l’armée et les services de sécurité jusqu’aux médias et au discours public.

L’Ukraine, de son côté, dépend de l’aide occidentale. Or la lassitude envers cette guerre qui s’éternise commence à peser sur la volonté de maintenir le flux de soutien à Kiev. Les États-Unis restent au cœur de la fourniture de l’aide occidentale à l’Ukraine, mais l’opposition à l’octroi d’une aide supplémentaire importante se fait croissante au sein du Parti républicain, déjouant jusqu’à présent les demandes de nouveaux financements de l’administration Biden. Le principal candidat à l’investiture républicaine à la présidence, l’ancien président Donald Trump, a toujours pris le parti de la Russie et pris ses distances avec les partenaires des États-Unis, dont l’Ukraine. Le fait que Trump devance Biden dans les sondages dans les États clés ne fait qu’ajouter à l’incertitude quant à la trajectoire de la politique américaine. Et l’hésitation du soutien américain à l’Ukraine va accroître l’hésitation en Europe, où un membre de l’UE, la Slovaquie, a déjà décidé de cesser de fournir une aide militaire à Kiev.

A la suite de l’attaque du Hamas, le soutien des Etats-Unis à Israël est considéré par beaucoup d’Américains comme prioritaire ; de plus la faiblesse de la base de défense industrielle américaine ne lui permet plus de soutenir deux pays en guerre d’autant que le Pentagone doit aussi faire face à la Chine et donc être en mesure d’intervenir en cas de crise en Mer de Chine.

Le général Valery Zaluzhny en a plus ou moins pris conscience à la fureur du président Zelensky…

Faut-il dès lors signer un armistice en concédant à la Russie les gages territoriaux conquis ? Un cessez-le-feu sauverait des vies et permettrait la reconstruction économique de l’Ukraine et un réarmement lui permettant d’investir dans sa sécurité à long terme. Cet armistice pourrait être supervisé par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou par l’ONU.

Cela dit, il n’est pas certain que la Russie, qui est en position de force, accepte une solution qui ne consacrerait pas sa victoire absolue. Misant sur la victoire du parti Républicain aux États-Unis, Vladimir Poutine pourrait faire monter les enchères en risquant de tout perdre. Ici, l’Ukraine a tout intérêt à prendre l’initiative de proposer un cessez-le-feu qui, s’il est rejeté par la Russie, montrera bien que l’agresseur est bien russe ce qui, par contrecoup, aiderait les gouvernements occidentaux à maintenir et à renforcer les sanctions contre la Russie. L’Ukraine obtiendrait, en plus, un soutien militaire et économique à long terme…

Pascal TRAN-HUU

Source photo : 20 minutes

One thought on “En Ukraine, ça ne va pas fort (P. Tran Huu)

  1. La question est Odessa et Mykoaleiv et en fait tout le rivage de la mer noire, y compris la Bessarabie jusqu’à Izmail: la Russie accepterait-elle de les laisser à l’Ukraine en échange de la cession immédiate de Kramatorsk, Zaporijia, Kherson ?
    Il est clair que cet accord-là aurait été possible en mars 2022: il aurait évité bien des morts inutiles.
    Mais il est bien tard ! L’avantage est clairement à la Russie, et dans un premier temps se posera la question de la neutralisation de l’Ukraine et de l’assurance donc, qu’elle ne rentrera ni dans l’UE ni dans l’OTAN. Cela avant la fixation de ses frontières. La question d’un accord global de sécurité avec l’OTAN et les USA se posera donc à nouveau.

    Est évoqué ici une victoire des Républicains qui permettrait de reprendre à zéro la question en oubliant la folie sénile de Biden, on oublie d’évoquer l’Europe, qui va bientôt devoir se passer des éminents services de Van der Leyen, voire se réorganiser de fond en comble si ce n’est pas plus…

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