Bilan hebdomadaire n° 62 du 28 mai 2023 (guerre d’Ukraine)

Bilan hebdomadaire n° 62 du 28 mai 2023 (guerre d’Ukraine)

Les deux parties préparent la campagne d’été. L’affaire de Graivoron n’est évidemment pas significative, les frappes dans la profondeur le sont beaucoup plus. Lien vers le billet entier en fin d’enfilade. Cartes https://twitter.com/Pouletvolant3

Il n’y a eu quasiment aucun changement de ligne sur l’ensemble du front : quelques micro-ajustements à Huliapolje, Bakhmout (les Russes ont eu peu dégagé Klichivka), Spirne, Marinka, Lyman Pershyi.

L’affaire de Graivoron a beaucoup agité les réseaux en début de semaine. Une compagnie de Russes pro-Ukrainiens aurait donc effectué lundi une incursion en territoire russe vers Graivoron, avant de se replier au bout de 36 h. Graivoron se trouve dans l’oblast de Belgorod, au nord-ouest de Kharkiv, très loin donc du front actif et du Donbass. Le détachement avait un à deux chars, 5 à 6 blindés, quelques 4×4. Il a été appuyé par l’artillerie ukrainienne ce qui montre la participation de Kiev, malgré le drapeau « russe ». Le détachement déclare une quinzaine de pertes, les Russes en annoncent 70.

Autre affaire, l’attaque d’un navire de reconnaissance russe (l’Ivan Khurs) en mer Noire (juste au nord du Bosphore) par trois drones navals. L’attaque ne semble pas avoir réussi puisque le Khurs est revenu à son port d’attache sans dommages apparents.

Enfin, les Russes ont intensifié leurs raids dans la profondeur (drones iraniens et missiles), tout comme les Ukrainiens qui ont probablement tiré des Storm Shadow vers Berdiansk et Marioupol.

Analyse militaire : Le raid de Graivoron est intervenu le lendemain de la chute de Bakhmout. Il avait évidemment pour but premier de contrer, en termes de relations publiques, le revers subi dans le Donbass. D’un point de vue militaire, il s’agissait aussi de mobiliser l’attention russe en d’autres points du dispositif et donc d’attirer des troupes dans la zone, troupes qui auraient été prises ailleurs et auraient donc affaibli la ligne de défense russe. On notera que les Ukrainiens ont pris soin d’utiliser une unité « de volontaires russes », afin de ne pas apparaître comme entrant directement dans un territoire russe. Les analystes sérieux n’ont rien vu de plus dans cette action. En revanche, les réseaux sociaux pro-ukrainiens se sont beaucoup agités, voyant dans l’affaire soit le début de la contre-offensive, soit le signe d’une reprise d’initiative ukrainienne. Il y avait beaucoup de fébrilité dans les commentaires ce qui m’a surpris.

L’attaque du Ivan Khurs a été un autre élément de cette stratégie de diversion ukrainienne. Elle est plus intéressante. En effet, l’Ukraine n’a plus de marine à la différence de la Russie qui navigue en mer Noire. Mais dès lors, la tactique des piqures d’insecte peut avoir un effet. Ici intervient la notion de « flotte en vie ». En effet, en stratégie navale, la question n’est pas simplement d’avoir des capacités navales mais de les rendre opérantes. Paradoxalement, le problème se pose plus à celui qui bénéficie d’une vraie supériorité puisque son adversaire peut, par des actions audacieuses, tenter de gêner voire d’interdire les mouvements navals de l’autre. C’est pourquoi la multiplication de raids de drones ou de missiles contre les navires ou contre les installations entrave la pleine maîtrise de la mer que devrait normalement assurer la marine russe. On notera enfin que cette attaque n’aurait pas pu avoir lieu sans le soutien des Européens et Américains (renseignement, guidage GPS, …).

J’observe enfin que les deux belligérants mettent en œuvre la même tactique de frappes dans la profondeur pour façonner le théâtre. Les Russes visent le lointain arrière de façon à handicaper aussi bien les batteries de DSA que les dépôts de munitions. Les Ukrainiens font de même en arrière du front. Je constate d’ailleurs des frappes vers Marioupol et Berdiansk, c’est-à-dire le plus à l’est (cf. mes remarques sur Vouhledar). Tout le monde s’attend en effet à une contre-offensive partant du secteur Orikhiv- Houliapolje en direction de Tokmak puis Melitopol. Un axe alternatif serait de descendre par Polohy et Smyrnove d’un côté, directement depuis Vouhledar de l’autre, de façon à prendre en tenaille le dispositif russe … Ce n’est que pure spéculation pour l’instant.

Appréciation politique : La prise de Bakhmout a été peu exploitée par la communication russe. L’affaire des F16 a retenu l’attention : toutefois, le délai de mise en œuvre suggère qu’il s’agit d’une manœuvre de moyen terme. Toute l’attention est désormais portée sur la contre-offensive. On entend tout et son contraire. Je ne m’attendais pas à un déclenchement précoce et nous voici fin mai, ce qui ne me surprend pas.

Pour le reste, calme plat sur le font diplomatique. Est-ce le calme avant la tempête ou au contraire le signe d’une lassitude qui ne dit pas son nom ? Un débat commence à émerger, significatif : celui des garanties de sécurité à donner à l’Ukraine : maintenant ou après le conflit ? jusqu’à quel point ? avec adhésion à l’Otan ? Le prochain sommet de l’Alliance se tiendra à Vilnius les 11 et 12 juillet prochains et ces questions sont actuellement discutées, certes discrètement. L’offensive (risquée, nous l’avons maintes fois signalé) peut-elle être déclenchée avant le sommet ? Autant de questions sans réponses. Le lecteur se reportera à La Vigie n°218, « Après Bakhmout » (ici), manière aussi d’encourager notre travail.

OK

2 thoughts on “Bilan hebdomadaire n° 62 du 28 mai 2023 (guerre d’Ukraine)

  1. Les F16 sont des avions supersoniques capables de porter les JDAM, bombes planantes qu’on peut lancer loin des défenses anti aérienne ennemies. Essentiel pour les Ukrainiens.
    Les Russes ont avec les kits UMPC équivalent qu’ils utilisent massivement depuis deux mois un avantage peut être décisif qui pourrait expliquer que la « contre offensive » n’ait jamais lieu.
    Même Zelinsky reconnait qu’elle pourrait être « couteuse »…

    Pour finir au sujet de la « communication »: celle en provenance d’Ukraine continue à affirmer que Bakhmut n’est pas tombé en fait…Certains ont ça chevillé au corps.

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