Au terminus des prétentieux (Le Cadet n° 80)

S’il existe des signaux forts, en voici en cascade ! Après la réapparition des sextants et la disparition des écrans tactiles dans l’US Navy, voilà que l’Air Force se fâche pour de bon, contre le F-35 on s’en doute, mais pas seulement : c’est la course mortifère à la sur-technologie et aux concepts vides imposés par les industriels qui est – encore – dénoncée. A quoi sert de fantasmer une guerre pour après-demain si on la perd aujourd’hui, si Barkhane n’a pas d’hélicoptères lourds et que le COS se fournit à l’étranger, si la Royale n’a que huit FREMM pour couvrir toutes les mers du globe, si le Jaguar remplaçant nos AMX-10RC n’a qu’un 40 mm et qu’on lorgne déjà vers les tourelles Cockerill pour retrouver du 105, si on abandonne le Transall C-160 plutôt que de le passer en quadri et le moderniser comme les Américains font de leur Hercules C-130 de 60 ans, pour un A-400M juste bon à faire des cabrioles au Bourget et des évacuations Covid ?

Le F-35 vole comme un pingouin, son surnom dans l’USAF, c’est une évidence, et comme ces consommables de photocopieuses qui font flamber les budgets – pour reprendre une image du site opex360.com, – ses versions, ses prothèses, ses déclinaisons multiples constituent d’ores et déjà un gouffre financier. Mais l’obsession faustienne de la furtivité a saisi l’OTAN. « Nous nous prosternons devant l’autel de la haute technologie et sommes sur le point de vendre notre âme, relève Dan Pedersen, l’inventeur du Top Gun. La furtivité est comme un zombie, un zombie très onéreux ». Fort heureusement l’USAF, dans ses dernières prospectives et son projet de chasseur génération 4.5, n’en parle plus. Ce qu’elle veut désormais est un vrai avion avec de vraies armes et de vrais pilotes. Comme le F-16, le F/A-18, ou notre Rafale tricolore.

Celui-là même que, au nom d’une collaboration rhénane bien aléatoire, nous sommes prêts à jeter aux orties pour un gros insecte SCAF prétendument furtif. Quant au projet mégalomane de PANG de 300 mètres et 75.000 tonnes, nécessité par le poids du gros insecte (furtivité, furtivité), il a toutes les chances de connaître le même sort qu’en son temps un certain Royal Louis, ce trois-ponts du temps de Louis XV qui, même allégé et rasé en flute, resta à quai. La Royale ne sait-elle plus faire les arbitrages qui donnèrent le 74 canons, pour préférer une copie de CVN américain à deux nouveaux Charles-de-Gaulle ? D’autant que l’achat de deux catapultes électromagnétiques made in USA au titre des Foreign Military Sales, de brins d’arrêt, d’appareil d’appontage et de trois avions-radar E-2D, nous coutera au bas mot 3 à 5 milliards d’euros, autant que le navire lui-même. C’est le principe des consommables et c’est le prix de notre dépendance nationale pour trois-quarts de siècle. Après ça on s’étonne que nos voisins allemands haussent les épaules quand on leur propose une armée européenne désaméricanisée. Ach ! ces Français prétentieux, toujours le mot pour rire !

Le Cadet