Un prochain discours de doctrine nucléaire (H. Fayet)
E. Macron a annoncé un prochain discours sur la dissuasion nucléaire, début 2026 : à quoi s'attendre ?
Dans un entretien à un journal allemand (voir infra), le président Macron confirme une « actualisation » à venir de la doctrine de dissuasion nucléaire française face à la menace russe et au risque de désengagement américain. A quoi peut-on s’attendre ?
Tout d’abord, l’annonce de ce discours n’est pas une surprise : le PR l’avait évoqué dans plusieurs interventions début 2025. Il avait été planifié pour le « deuxième semestre 2025 » puis « avant la fin de l’année » et maintenant « début 2026 ». On croise les doigts… Manifestement, les difficultés de politique intérieure et la nécessité d’approfondir les consultations avec les alliés européens ont ralenti le processus, déjà complexe, d’actualisation de la doctrine.
On note aussi dans l’interview cette expression si française : « je travaille à l’actualisation ». La doctrine nucléaire en France est hyper présidentialisée (certains parlent même de monarchie nucléaire), ce qui certes clarifie les choses mais peut aussi les freiner.
Car, évidemment, un tel discours ne s’écrit pas seul en quelques mois. Celui de février 2020, qui demeure la dernière référence sur la politique de défense et de dissuasion de la France, est l’issue d’un processus débuté en 2018, avec un petit comité d’experts et de praticiens. De ce fait, il est impossible de prédire le contenu du discours de 2026, mais il s’agit d’une réaction nécessaire face à l’évolution du contexte stratégique (guerre en Ukraine, menace russe, risque de désengagement américain) et le besoin de redéfinir la défense européenne.
C’est aussi l’occasion de clarifier dans un seul et même discours des éléments d’évolution semés par le PR dans des formats parfois peu appropriés, et d’aller donc plus loin que les éléments de langage sans cesse répétés sur la contribution FR à la dissuasion en Europe. Après plusieurs années de dialogues avec les alliés — il est d’ailleurs très symbolique que cette annonce ait été faite en Allemagne —, cette clarification est très attendue. Il faut aussi espérer des pistes concrètes de collaboration afin d’aller au-delà du discours.
J’ai déjà eu l’occasion à de nombreuses reprises de proposer quelques idées pour renforcer le rôle des armes nucléaires françaises dans la défense de l’Europe tout en adoptant un modèle différent des États-Unis (ici : lerubicon.org). A mon sens, cela passe aussi par un renforcement de la « dissuasion conventionnelle » au niveau européen : plus de militaires déployés sur le flanc Est, de réels investissements dans les trous capacitaires (frappes dans la profondeur, défense antimissile, renseignement…).
Plus que la crédibilité opérationnelle, la France est attendue sur le plan politique : comment être certain que cet engagement du PR survivra aux élections de 2027 ? Impossible de le promettre, mais il faut avancer le plus loin possible aujourd’hui pour créer des précédents.
Enfin, la forme du discours sera cruciale. Peu de personnes en France (et encore moins en Europe) sont formées à l’exégèse nucléaire : il faut donc que les propos du PR soient compréhensibles par nos alliés, avec si besoin un accompagnement en amont et aval par les ambassades.
Bref, beaucoup d’attentes pour ce discours qui devra tirer les leçons de plusieurs années d’échanges avec les alliés, proposer des pistes concrètes de coordination, et éviter la déception que l’on constate encore trop souvent après des prises de parole trop floues.
Héloïse Fayet, Vous pouvez retrouver ici l’interview du PR au Frankfurter Allgemeine.