La frontière entre la Thaïlande et le Cambodge demeure fermée (P. Tran-Huu)

Après les tensions entre les deux pays, une lente désescalade se met en place
La frontière entre la Thaïlande et le Cambodge demeure fermée (P. Tran-Huu)
Crédit : Toutelathailande

Le 12 septembre 2025, sur l’antenne de Thai Rath TV, le général Natthaphon Nakphanit, vice-ministre thaïlandais de la Défense par intérim, a pris la peine de revenir sur ses déclarations antérieures. Ses propos avaient été interprétés comme l’annonce prématurée d’une réouverture de la frontière avec le Cambodge, provoquant un emballement médiatique et des inquiétudes dans l’opinion. Dans une région où chaque mot pèse lourd, il s’agissait pour lui de dissiper toute équivoque. 

Depuis plusieurs mois, la frontière thaïlando-cambodgienne est traversée de tensions : différends de souveraineté, flux migratoires et économiques incontrôlés, économie grise alimentée par les casinos de Poïpet et de Pailin, sans oublier des accrochages militaires sporadiques. Dans ce climat, le General Border Committee (GBC) sert de cadre bilatéral pour tenter de canaliser les divergences et maintenir un minimum de prévisibilité. 

Surnommé « Big Lek », le général Natthaphon a voulu adresser trois messages clairs : 

  1. Présenter ses excuses pour la confusion née des rumeurs relayées par la presse. 
  2. Réaffirmer qu’aucune réouverture effective n’a eu lieu : les discussions engagées au sein du GBC n’en sont qu’au stade exploratoire. 
  3. Préciser la gouvernance de la décision : le ministre de la Défense préside le GBC, le commandant suprême des forces armées en est le vice-président et détient la délégation d’autorité, le département des troupes frontalières en assure le secrétariat, tandis que le commandant de l’armée de terre et le futur chef de la 2e région militaire siègent aux côtés du Conseil de sécurité nationale et du ministère de l’Intérieur. 

Bangkok a tracé trois lignes rouges : 

  1. Aucun transfert de matériels sensibles (équipements militaires ou matériels de construction). 
  2. Aucun passage de civils : seule une tolérance ponctuelle, strictement encadrée par les forces frontalières de Chanthaburi–Trat, pourrait être envisagée. 
  3. Aucun calendrier n’a été fixé pour la mise en œuvre éventuelle du « point 5 ». 

C’est précisément ce dernier point qui a suscité la confusion. Dans l’accord officiel du GBC, le “point 5” stipule l’engagement de ne jamais employer la force contre les civils ni contre les infrastructures civiles, en toutes circonstances. Mais, dans l’espace public, cette clause a été comprise – et relayée – comme une ouverture conditionnelle à la reprise de certains échanges transfrontaliers. Le général a donc tenu à préciser : il n’est nullement question de franchissements civils ou d’ouverture large des postes-frontières ; il s’agit seulement de discussions de principe, subordonnées à la preuve de bonne foi du Cambodge. 

Sur le plan militaire, le général a rappelé que Phnom Penh avait promis le retrait d’armes lourdes (BM-21, PHL-03). Si cet engagement se concrétise, la portée potentielle des frappes se limiterait à 5–10 km, contre 40–100 km aujourd’hui, réduisant considérablement la menace pour les populations frontalières. Les soupçons de renforcement des troupes khmères, signalés par la 2e région militaire, se sont révélés être de simples rotations, après vérification par l’attaché militaire thaï à Phnom Penh auprès de la mission IOT. La vigilance demeure néanmoins de mise : consignes ont été données au commandant suprême et aux échelons régionaux de rester en alerte. 

Le général a par ailleurs tenu à remercier la population pour ses critiques, en assurant qu’aucune décision hâtive ne serait prise. La Thaïlande, affirme-t-il, doit d’abord tester la sincérité du Cambodge à travers quatre engagements préalables, avant d’envisager toute avancée supplémentaire. 
Pour résumer, son message porte donc sur : 

  • Robustesse institutionnelle : le GBC incarne une collégialité politico-militaire qui interdit les décisions unilatérales. 
  • Maîtrise du tempo : Bangkok temporise, liant toute ouverture à des gestes tangibles de désescalade. 
  • Gestion du risque : la prévention d’un incident armé reste prioritaire ; le retrait des armes lourdes cambodgiennes sera un test décisif. 
  • Équilibre interne : les réticences exprimées par certains échelons militaires (notamment la 2e région) illustrent la tension classique entre logique diplomatique et prudence opérationnelle. 

En conclusion, la communication du général Natthaphon visait à rassurer doublement : d’un côté l’opinion publique, inquiète de rumeurs d’ouverture ; de l’autre l’appareil militaire, soucieux de ne pas voir les intérêts de sécurité bradés. Aucune frontière n’a rouvert, aucun calendrier n’est fixé, et la bonne foi cambodgienne reste à démontrer. La précision apportée au « point 5 » permet de lever toute ambiguïté : il s’agit d’un engagement de protection des civils, et non d’une concession frontalière. 

Voir aussi :

Thaïlande indépendante (LV 273)
La Thaïlande n’a jamais été colonisée. Aujourd’hui encore, elle diversifie soigneusement ses partenaires, refusant de s’aligner.
Relations franco-thaïlandaises (P. Tran-Huu)
Pascal Tran-Huu, lecteur fidèle de La Vigie, nous fait parvenir ce texte. Mille mercis à lui. Suivant l’usage, nous lui attribuons un abonnement gratuit de six mois. Si vous aussi avez des textes stratégiques ou géopolitiques, n’hésitez pas à nous les envoyer. JDOK On se souvient, qu’avant de s’

P. Tran Huu, chercheur associé à LV

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