What if the United States actually existed ? (Cadet 108)

Et si les Etats-Unis avaient vraiment existé ?
What if the United States actually existed ? (Cadet 108)

Imaginons-nous dans un monde où le continent découvert par Colomb en 1492 serait encore à ce jour peuplé exclusivement d’Amérindiens. Rédigeons alors une contre-uchronie, à l’exemple de celle publiée naguère par Winston Churchill  [1],

en introduisant sur cette terre des colons européens querelleurs jusqu’à ce que les Français gagnent la bataille de Yorktown et accouchent d’un pays qu’on appellerait les Etats-Unis.

Imaginons que ce pays fictif refuserait le régime parlementaire qui est pourtant le lot de toutes les démocraties, que son président y serait commandant en chef comme Napoléon, aurait le droit de veto de Louis XVI et les pouvoirs de Pétain face à un Congrès atone qui ne pourrait pas censurer le gouvernement, un président qui abuserait des lois d’exception votées en 1798 au début de la guerre contre les Français et de la Suspension Clause d’une constitution rédigée au temps de la marine à voile.

Imaginons que ce même président, signant des lettres de cachet sur un coin de son Bureau ovale redécoré comme un bordel parisien d’avant la loi Marthe Richard, virerait les journalistes, limogerait généraux et ambassadeurs, jouerait aux dés les droits de douane, épurerait les bibliothèques, sabrerait les budgets de la recherche et fermerait des universités.

Imaginons que les débats avorteraient au nom d’une freedom of speech qui refuse toute disputatio aux opinions hétérodoxes, que les touristes verraient les données de leur téléphone et de leur ordinateur vidées à la douane, que les citoyens d’origine japonaise auraient été un jour déportés sur executive order sans voir un juge.

Dans ce pays qui ferait la guerre et torturerait par caprice, la bureaucratie légifèrerait et un camp de concentration aurait été ouvert à Guantanamo, les policiers auraient le permis de tuer, vous pourriez arborer des svastikas aux marches du Capitole et faire le salut nazi en meeting [2].

Poursuivons dans les pas de Winston et imaginons qu’au tournant des années 1830 un vicomte normand serait devenu célèbre en nous prévenant contre cette anomalie historique « où il règne, en général, moins d’indépendance d’esprit et de véritable liberté de discussion [3] » que partout ailleurs, où les habitants sont soumis « pieds et poings liés (aux) deux principes absolus de la raison et de l’autorité [4] », et où l’Etat « leur ôte entièrement le trouble de penser et la peine de vivre [5] ».

Si tout ceci n’était pas le produit de notre imagination, nul doute que nous aurions tout mis en œuvre pour que ce monstre en devenir prédit par Tocqueville il y aura bientôt deux siècles ne devienne la réalité de 2025.

Le Cadet


[1] Winston Churchill, « What if Lee had not won the Battle of Gettysburg ? », publié dans le Scribner’s Magazine, décembre 1930, puis intégré avec d’autres contributions dans J.C. Squire (dir.), If It Had Happened Otherwise, 1931.

[2] Hypothèse naguère développée par Le Cadet, « Monsieur George et le panoptique », Revue Défense Nationale, novembre 2013, in Journal inutile, 2011-2016, cahier de la RDN, 2016.

[3] De la démocratie en Amérique, I, Deuxième partie, Chapitre VII, 1835.

[4] Lettre à Louis de Kergolay, 29 juin 1831.

[5] De la démocratie en Amérique, II, Quatrième partie, Chapitre VI, 1840.

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