Petit nucléaire : au-delà de l’énergie, la souveraineté technologique (Y. Gavriloff)

Quelle souveraineté technologique pour les petits réacteurs nucléaires ?
Petit nucléaire : au-delà de l’énergie, la souveraineté technologique (Y. Gavriloff)
Crédit photo : sybaryte48

On associe volontiers le nucléaire à la souveraineté énergétique. Mais une autre dimension, moins commentée, s’avère tout aussi décisive : la souveraineté technologique. Le développement des « petits réacteurs » (SMR, AMR, micro-réacteurs) ne se limite pas à répondre à la demande future d’électricité. Il incarne la capacité d’un pays à rester une nation d’innovation.

Des technologies en mutation

De puissance inférieure à celle des centrales actuelles, ces réacteurs misent sur la standardisation, la modularité et la compacité. Pensés pour la fabrication en série, ils ouvrent la voie à des usages multiples : électrification décentralisée, chaleur industrielle, production d’hydrogène ou de e-fuels. Leur conception intègre des dispositifs de sûreté avancés, souvent passifs, et permet d’explorer des filières nouvelles.

Mais leur apport dépasse la seule efficacité technique. Ils invitent à repenser la question du combustible et donc l’empreinte des activités humaines. Certains concepts visent à fermer le cycle du combustible en utilisant la fraction des déchets nucléaires de vie longue issus des centrales existantes. C’est la perspective d’une énergie nucléaire durable, qui contribue à résoudre la problématique des déchets plutôt qu’à l’aggraver.

Un enjeu de sécurité… et de crédibilité

La sécurité demeure une exigence cardinale : confinement, contrôle, transport, autorisations. Mais la question est aussi politique et géopolitique. La capacité à concevoir, tester, surveiller et déployer ces réacteurs conditionne la crédibilité internationale. Celui qui maîtrise la filière impose ses standards et devient exportateur de solutions. Celui qui ne fait que les acheter se condamne à la dépendance qu’il faut envisager au-delà de la production énergétique.

Souveraineté technologique : une course mondiale

Les États-Unis, la Chine, la Russie, la Corée du Sud ont inscrit le petit nucléaire au cœur de leur stratégie industrielle et géopolitique. Ils financent, protègent et exportent agressivement leurs projets. La France, pionnière du nucléaire civil, risque, faute d’un effort soutenu en R&D, de se voir reléguée au rang de suiveur. Or perdre la main, c’est perdre des brevets, des talents, des chaînes de valeur, des marchés et donc la capacité de peser sur les questions majeures de notre monde.

Quelle stratégie pour la France ?

La question n’est plus seulement : aurons-nous assez d’énergie ? Elle devient : serons-nous encore capables d’innover dans un domaine aussi stratégique que l’énergie ? Sans investissement dans les petits réacteurs, la France resterait dépendante de ses grandes installations, mais se priverait d’une vitrine technologique pour l’avenir. Miser sur cette filière, c’est maintenir la maîtrise d’une technologie de rupture, former de nouvelles générations d’ingénieurs et garantir une place dans la compétition mondiale.

Deux souverainetés, un même enjeu

Souveraineté énergétique et souveraineté technologique ne s’opposent pas : elles se renforcent. La première assure notre autonomie aujourd’hui ; la seconde conditionne notre rang demain. Négliger le petit nucléaire reviendrait à céder une part de notre indépendance stratégique : non pas seulement l’énergie qui alimente nos foyers et nos industries, mais la capacité même d’inventer, d’exporter, de peser.

Yvan Gavriloff est ingénieur polytechnicien, entrepreneur, PDG fondateur de Kaos (conseil en innovation) et co-fondateur de Naarea (petits réacteurs nucléaires de 40 MWh)

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