A propos de la rencontre entre Trump et Poutine en Alaska (D. Algret Minic)

Analyse d'un énième échec de Trump avec Moscou.
A propos de la rencontre entre Trump et Poutine en Alaska (D. Algret Minic)
Source Algret Minic

Le Docteur Algert Minic, chercheur à l'IFRI, a bien voulu nous confier son analyse du sommet d'Anchorage, à partir d'une enfilade sur son compte Twitter. Merci à lui. LV

La rencontre en Alaska a été un échec pour Washington : aucun accord n’a été conclu et aucune menace brandie par Trump n’a été mise à exécution, malgré la déception visible du président américain.

J’écrivais en novembre 2024 que l’abandon de l’Ukraine par Trump serait beaucoup plus humiliant que lui-même ne semblait le penser à l’époque et que la seule question était de savoir comment Trump allait dissimuler cela. Cette hypothèse s’est encore vérifiée hier : le président américain a préféré adhérer à la vision de Poutine, qui veut un accord de paix et non un cessez-le-feu, plutôt que de reconnaître un échec personnel à imposer sa propre vision.

La tactique de Poutine depuis le début des négociations est certes habile : louvoyer, flatter, appâter Trump avec des ressources naturelles, monter Washington contre l’Europe et l'Ukraine, jouer sur la collusion idéologique entre la nouvelle administration et la Russie. Mais ce qui explique avant tout la "faiblesse" de Trump est : 1) l’indifférence de Trump au sort de l’Ukraine et de l’Europe, 2) sa volonté d’arracher la Russie à la Chine. Une illusion que Poutine continuera d’entretenir dans l’esprit de Trump pour mieux le soumettre.

Ce que l’on perçoit comme de l’incohérence chez Trump est en fait une succession d’épiphanies : il s’est lourdement trompé dans son analyse de la situation et il continue probablement d’ignorer les réelles motivations du Kremlin. Contrairement à ce que croyait (ou continue de croire) Trump, Moscou ne veut pas arrêter la guerre à tout prix, ne fait pas passer l’économie avant la politique et l’idéologie, ne renonce pas à la Chine et ne réduit pas ses ambitions à l’Ukraine.

Les leviers de pression de Trump sont réduits depuis le début mais ils sont potentiellement puissants : l’intensification des sanctions et l’aide militaire soutenue à l’Ukraine. La première option, celle des sanctions, renvoie Trump à un échec et à la politique de ses prédécesseurs qu’il conspue, tandis qu’elle conduirait Washington à s’aliéner des pays importants. Surtout, cette méthode n’a pour l’instant pas permis d’infléchir la politique russe. La seconde option, celle de la reprise de l’aide militaire, est le seul véritable levier de pression sur la Russie. Mais elle rentrerait directement en conflit avec ses engagements électoraux et sa vision de politique étrangère.

Qu'attendre des évolutions à court terme ? Trump a surestimé ses capacités à influencer la Russie et s’est montré non désireux et/ou incapable de réellement contraindre l’Ukraine et les Européens à capituler. Il pourrait essayer une énième fois d’inciter l’Ukraine à céder et de convaincre l’Europe à l’accepter. Mais Trump (comme Poutine) a tendance à oublier que le président ukrainien n’est ni un dictateur ni un opportuniste capable ou désireux de vendre son pays. Même si Zelensky parvenait à convaincre les Ukrainiens qu’il serait sage de céder la région du Donbass en échange de garanties de sécurité solides de l’Occident, il est très peu probable que Moscou l’accepte. Trump pourrait finir par se lasser et rejeter la faute sur Zelensky et les Européens, qu’il méprise, puis se retirer du dossier en incitant ces derniers à acheter du matériel militaire américain s’ils le souhaitent et en attendant de pouvoir faire des affaires avec la Russie.

Quant aux Européens, vous ne pouvez pas reprocher à Trump de mal négocier si vous n’êtes vous-même pas prêt à assumer le rapport de force sans les États-Unis, sur lesquels il est très confortable de rejeter la faute. Les Européens ont un vrai problème de cohérence. Vous ne pouvez pas prétendre vouloir peser dans les négociations si vous ne voulez pas vous impliquer concrètement dans le rapport de force militaire, soit en compensant la fin de l’aide militaire américaine, soit en imposant une présence militaire européenne en Ukraine.

Dr Dimitri Algret Minic chercheur à l’IFRI

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