Bilan hebdomadaire n° 54 du 19 mars 2023 (guerre d’Ukraine)

Semaine mitigée pour les deux belligérants avec des bonnes nouvelles et des déceptions. Lien vers le billet entier en fin d’enfilade. Cartes : @pouletvolant3

Le front sud commence à se ranimer avec des tentatives ukrainiennes : il s’agit plus de tests de dispositifs que de « contre-attaques » comme on le lit parfois. L’affaire s’échelonne sur tout le front de Zaporijia mais aussi sur les rives du Dniepr. Situation inchangée à Vouhledar et au large de Donetsk.

A Avdidvka en revanche, la ligne ukrainienne se détériore. Krasnohorivka a été complètement investie et les Russes poussent vers l’ouest, menaçant directement la voie ferrée qui approvisionne la ville. Au sud-est, les combats sont désormais en lisière de la ville. Au sud-ouest, toujours une pression russe mais les Ukrainiens tiennent encore Sjeverne et Tonenke. Malgré tout, la situation de la ville devient très précaire, loin des regards.

Un peu plus au nord, ce sont les Ukrainiens qui poussent aux lisières nord-ouest d’Horlivka, vers Mayorsk, et Ozaniarivka.

A Bakhmout, les positions ukrainiennes à l’intérieur de la ville se réduisent lentement. Malgré tout, ils tiennent. Le complexe industriel d’Azom est toujours disputé. La route de Khromovo fait l’objet d’intenses combats. Au nord-ouest de la ville, les Russes pousseraient toujours vers le canal entre Hrihorivka et Orikhovo-Vasilivka. Globalement, peu d’avancées russes cette semaine dans le secteur de Bakhmout.

Le reste du front a été légèrement actif : on a signalé des combats à Vesele, Spirne, poussée à l’ouest de Dibrova en direction de la rivière Zerhebets, Plochanka, … Pas de changement de ligne.

Appréciation militaire : Pour les Ukrainiens, la tenue à Bakhmout malgré la situation dégradée est un succès en soi : cela confirme le pari de gagner du temps. On note par ailleurs des coups de sonde pour aller tester le dispositif russe, dans trois secteurs : celui entre Zaporijia et Vouhledar, que tout le monde attend ; celui de Kherson au travers du Dniepr, ce qui est plus surprenant ; celui au N d’Horlivka, ce qui est intéressant car si les Ukrainiens réussissaient à percer là, ils prendraient à revers tout le dispositif russe de Bakhmout. En revanche, la situation à Avdivka continue de se dégrader et la ville menace d’être encerclée. L’effort qui est fait à Bakhmout pourra-t-il être reconduit à Avdivka ? Surtout, Kiev pourra-t-il tenir deux sièges simultanément ?

Pour les Russes, l’analyse est rigoureusement inverse : leur dispositif tient et résiste aux différents coups de sonde, peu menaçants pour l’instant. Le contournement d’Avdivka se poursuit. En revanche, la progression à Bakhmout est décevante. En perdant du temps à saisir la ville, ils ne peuvent pas relancer leur effort sur d’autres secteurs. Cette lenteur est-elle due à l’épuisement des ressources, comme le clament certains analystes ? Mais les témoignages ukrainiens font état d’assauts et de bombardements continus, qui vont à l’inverse de cette thèse. Une autre hypothèse serait celle d’un rythme des opérations russes qui alternerait deux semaines d’assaut pour une semaine de relative pause. Je n’en suis pas convaincu mais la signale. Bref, plus de questions que de réponses.

Appréciation militaire : l’arrière ukrainien tient et surtout, l’électricité est revenue ce qui est bon pour le moral. La campagne de frappes russes de cet hiver n’a pas atteint son objectif.

Le début de semaine a été marqué par une succession d’articles pessimistes dans la presse américaine, s’interrogeant sur les ressources (humaines, matériel et munitions des ukrainiens). Cette conjonction était tellement flagrante que je me suis interrogé : soit effet d’une inquiétude réelle à Washington, soit campagne d’influence pour tromper la Russie. Or, les renforts en matériels arrivent peu à peu : premiers chars Léopard, AMX 10 RC, etc. On parle de 150 chars, soit moitié moins que ce qui avait été évoqué à Ramstein.

Aussi la grande nouvelle a été l’annonce par la Pologne et la Slovaquie de l’envoi d’une vingtaine de chasseurs Mig 29, qui présentent l’avantage de ne pas nécessiter d’adaptation aux pilotes ukrainiens. Mais cela remplace seulement ceux qui ont été perdus depuis le début de la guerre. C’est enfin un chasseur des années 1980 qui n’est pas au maximum de la technologie actuelle, avec peu de qualités d’appui au sol. Au-delà de l’utilité tactique, le signal est politique, celui de l’appui constant des Européens.

Enfin, la décision de la Cour Pénale Internationale (CPI) de lancer un mandat d’arrêt contre V. Poutine n’est pas aussi significative qu’il y paraît. Rappelons que ni la Chine, ni les Etats-Unis ni la Russie ni l’Ukraine ne sont parties au traité fondateur de la CPI. Mais l’Ukraine insistait depuis plusieurs semaines pour la mise en place d’un tribunal spécial pour juger les crimes de guerre de la Russie. La décision de la CPI paraît comme un moyen trouvé par les Occidentaux pour répondre à cette demande sans mettre en place un tribunal spécial, dont ils ne veulent pas.

Le printemps arrive et la rapoutitsa fait rage avec des tonnes de boue. L’avenir dira si les résultats sur le front changeront la donne.

Vous pouvez toujours lire mon livre « Guerre d’Ukraine » : https://www.economica.fr/guerre-d-ukraine-c2x38820888

Bonne semaine,

OK

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