Mauvais genre (Le Cadet n° 98)

« Qui aurait pu prévoir » que la France se réchauffe plus vite que calculé par les modèles déterministes, pour citer les vœux du président Macron, mais aussi que Poutine agresse l’Ukraine ? La secte managériale, qui conteste avoir tout raté même quand elle ne réussit plus rien, a trouvé l’explication : nous n’avons rien vu venir parce que nous n’avons pas accordé d’attention aux signaux faibles.

Signal faible, le discours de Lavrov de novembre 2021 sur une redéfinition de la sécurité en Europe ? Signal faible, la mise en ligne le 21 décembre suivant de la réunion tenue le jour même autour de Poutine au Kremlin (« On est sur le pas de notre porte, nous ne pouvons pas reculer […] nous allons prendre des mesures militaires et techniques adéquates de représailles ») ? Signal faible, le rappel de Poutine à Macron le 7 février 2022 que la Russie, puissance nucléaire, ne peut perdre ses guerres ?

Qui donc y a répondu et y répond toujours par une théâtralisation débile, à l’image d’un des plus fervents soutiens – à l’époque – de l’invasion de l’Irak qui répétait encore en début d’année, dans les colonnes du Figaro, que l’Ukraine « lutte pour la liberté de l’Europe et des États-Unis et pour le salut de la démocratie en général » (même narratif au même moment du chef de cabinet de Zelensky), sans comprendre qu’il s’agit du terrain militaire et de langage dans lequel nous ont piégés les Russes : ne sont-ils pas nos ennemis puisqu’eux-mêmes disent que nous sommes les leurs ? Mais l’ennemi est bête, ironisait Pierre Desproges, il croit que l’ennemi c’est nous alors que c’est lui.

On ne peut qu’être fort inquiet d’avoir régressé à ce degré zéro de la pensée stratégique, d’autant que les Français attendent, dans ce remake de la Guerre de Succession d’Autriche, qu’on leur explique en quoi la victoire des uns ou des autres changerait notre position. Ça veut dire quoi, parlant de l’engagement des Leclerc et des Mirage 2000, « par définition, rien n’est exclu », devenu une semaine plus tard « rien n’est interdit, par principe » ? Gouverner, par définition, n’est pas faire son marché dans la liste de mariage de Kiev ni travailler pour le roi de Prusse, mais s’interdire d’arbitrer contre nos intérêts et trancher, donc, par principe, et donc exclure toutes les hypothèses fors la nôtre. A l’heure où on apprend que, au prix d’une redéfinition des frontières, les États-Unis cherchent une issue au conflit –ont-ils jamais cessé ? –, ça ferait mauvais genre de dire « la France », nom absent des interminables débats TV qui dissèquent ces combats de rue et de cave que les Allemands, depuis Stalingrad, nomment Rattenkrieg ? La souveraineté française dépendrait-elle de la perte ou de la reconquête d’une salle de bains à mille lieues de Paris ? C’est à se demander s’il n’y a pas davantage de sang-froid manœuvrier dans les caprices du caniche roux des Windsor qu’au Quai d’Orsay, et s’il ne faudrait pas mieux confier tout de suite les codes nucléaires à Meghan.

Le Cadet

2 thoughts on “Mauvais genre (Le Cadet n° 98)

  1. Combien de personnes dans notre personnel politique à une quelconque analyse objective de la réalité ? Le spectacle de l’Assemblée Nationale à propos de la réforme des retraites illustre à quel point le processus contradictoire autonome est inconnu des individus qui la composent ; les postures, de plus en plus primaires, les petits calculs à court terme, sont les seuls domaines où ils ont une expertise ! Dans ces conditions seuls quelques militaires et certains cadre du Quai d’Orsay peuvent avoir une vision des causes et enjeux géostratégiques de ce conflit.
    Votre travail est en ce sens irremplaçable qu’il permet aux citoyens d’avoir un jugement fondé puisque la représentation nationale est incapable de le leur proposer.
    Pour ma part j’ai rédigé divers textes dans le même sens que le votre : https://lesouverainiste.wordpress.com/europe-contre-europe/

  2. Une explication simple à la terrible stupidité moutonnière des pays européens en général et de la France en particulier: ils sont tenus par l’argent qu’ils n’ont pas et dont l’absence les menace à court terme de faillite totale. Donc ils obéissent.
    La vraie question est l’Allemagne. Personnage secondaire, tenu par ses compromis, Sholz serait tétanisé par les Verts ET l’Afd, ne pouvant pas assumer la stratégie du gaz ni le rejet de l’Amérique, il dérive, poussé par le vents.

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