La chute de la maison OTAN (J-Ph Immarigeon)

Contributeur régulier de La Vigie, maître Immarigeon nous livre ici son analyse de la situation stratégique européenne. Merci à lui. LV

L’OTAN souffle ses soixante-quinze bougies et le débat a repris sur l’Europe de la défense ou plutôt la défense de l’Europe, provoqué tout autant par la perspective d’une défaite de l’Ukraine et les menaces à l’encontre de membres de l’Union Européenne que par l’éventualité d’une réélection de Donald Trump. Mais le désengagement américain est déjà entamé comme le montrent le renvoi de Victoria Nuland du State Department et les réticences du Congrès à déverser des dizaines de nouveaux milliards de dollars dans le bac à sable ukrainien. L’Amérique a pris conscience du piège dans lequel son Drang nach Osten l’avait placée. Mais pour une alternative, il faut se contenter de déclamations qui tournent le dos à l’essence du projet européen.

Le piège du discours de la guerre

Que dire en effet du retour de la guerre, dans les discours et analyses, comme seul horizon pensable ? L’inversion de la formule de Carl von Clausewitz, par un esthétisme mondain qui prétend que « la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens » (Michel Foucault, Bernard-Henri Lévy), est d’autant moins pertinente que les Russes font de la politique lorsqu’ils nous font la guerre. Leur discours n’a pas varié depuis la rencontre entre les présidents russe et français au Kremlin le 7 février 2022, quinze jours avant l’invasion annoncée : il reste politique et les « menaces atomiques » de Poutine ne sont que la formulation de cette évidence que la montée aux extrêmes détruirait la civilisation et qu’il va bien falloir un jour rediscuter. « On pourrait en venir à la guerre générale, disait déjà Charles de Gaulle lors de la crise de Berlin en 1961 ; ce serait vraiment très bête ». Or nos diplomates refusent tout contact avec la Russie pour n’avoir pour perspective que sa défaite militaire. Ce positionnement totalement à contretemps laisse le champ libre aux Américains, pourtant les seuls à pouvoir donner aux Ukrainiens les moyens de tenir, mais qui n’en tentent pas moins d’éviter à tout prix la confrontation sur et pour le continent européen, avec toujours ce seul mot d’ordre : America First.

Je me souviens d’une intervention il y a quelques années, à l’Ecole Militaire, de deux représentants du State Department sur la réaction américaine en cas de cyber attaque contre l’Europe. Les protestations de solidarité s’étalèrent sur plus d’une heure trente et puis, dans la toute dernière phrase de la conclusion, ces quelques mots : de toute manière et in fine, c’est notre Président qui décidera en fonction des seuls intérêts américains et de nos impératifs de sécurité nationale.

Il faut prendre au pied de la lettre ce que dit tout responsable politique américain, surtout lorsqu’il sort son joker de sécurité nationale. Par exemple lorsque Donald Trump dit sur GB News le 19 mars dernier, à propos de la guerre en Europe : « Tout ça est plus important pour eux que pour nous. Nous, on a un grand océan qui nous sépare de certains problèmes ». Et il faut bien comprendre l’article 5 du Traité OTAN qui n’impose pas d’engagement militaire automatique [1]. La solidarité controuvée de cet article alambiqué couvre un large spectre laissé à l’appréciation de chaque Etat, qui s’étend du rappel d’ambassadeurs jusqu’à une réplique armée concertée ; mais rien n’y garantit que l’Amérique sera au rendez-vous avec casque et bottes.

De l’ennemi fantasmé à l’ami imaginaire

Et ce ne sont pas les récentes déclarations du secrétaire d’Etat Antony Blinken qui pourront rassurer les Européens. Il faut revoir l’entretien diffusé le 2 avril 2024 par LCI/TF1, tel qu’il est retranscrit sur le site du State Department [2], et ne pas le disjoindre de soixante-quinze ans de tergiversations, depuis le vote de la résolution dite Vandenberg de 1948, préalable constitutionnel à la signature du Traité de 1949 et péniblement arraché au Sénat de Washington. A l’insistance jouissive du journaliste français à envisager l’hypothèse d’un conflit nucléaire en Europe, le chef de la diplomatie américaine répond :

  • Blinken : Dès le début, dès le premier jour, le président Biden était convaincu qu’il fallait éviter une guerre avec la Russie…
  • LCI/TF1 : Une escalade nucléaire ?
  • Blinken : Une escalade, que ce soit conventionnelle ou nucléaire. Il dirige avec grande clarté dans cette direction : soutien pour l’Ukraine mais en évitant une guerre avec la Russie.

Le journaliste repose la question concernant les Etats baltes :

  • LCI/TF1 : Est-ce qu’ils ont la sûreté qu’au moindre pied d’un soldat russe sur le territoire balte, il y aurait une réaction militaire des États-Unis ?
  • Blinken : Encore une fois, je ne rentre pas dans les hypothèses spécifiques, mais je pense que n’importe quel adversaire qui serait agressif contre un membre de l’OTAN sait qu’il aura une réponse de l’OTAN, y compris des États-Unis.

Quel genre de réponse ? Blinken se défausse et inverse le point de vue, érigeant en impératif l’absence de confrontation directe :

  • Blinken : Notre politique est claire : il n’y aura pas de troupes américaines sur le sol ukrainien. Parce que pour nous, c’est quelque chose qui mènera plus proche d’un conflit direct avec la Russie, ce que nous voulons éviter. […] Pour nous, c’est une question d’intérêt national. Ce n’est pas dans notre intérêt d’avoir un conflit direct avec la Russie. Je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt de chacun des membres de l’OTAN.

On relèvera que Blinken substitue, à un intérêt général de l’Alliance, l’intérêt particulier de chacun de ses membres. La solidarité n’est donc plus un impératif per se mais s’efface devant les égoïsmes nationaux. Le journaliste repart alors à l’assaut :

  • LCI/TF1 : Mais encore une fois, si des Français y vont aussi, des Finlandais, des Polonais, etc., est-ce que c’est à nos risques et périls ou est-ce que vous pensez que ça engagera l’OTAN ?
  • Blinken : Chacun doit prendre ses décisions à l’échelle nationale et à l’échelle de l’Alliance aussi. Encore une fois, je ne rentre pas dans les hypothèses, mais je sais très bien que, avec les relations que nous avons au sein de l’Alliance, les relations que nous avons directement avec la France, tout ce qu’on fait, on le fait ensemble. On en parle, on en discute et on décide ensemble.

L’Amérique n’ira donc en guerre contre la Russie que si et seulement si elle-même le décide, et aucune restriction n’est formulée selon que le pays agressé serait ou non membre de l’OTAN, article 5 ou pas. Et ce pauvre Trump n’y est pour rien.

Les Russes attaquent à Suwalki

On fantasme beaucoup dans les médias sur Odessa alors que les prochaines tentatives de la Russie seront vraisemblablement Kharkov et, une fois conquise, la rive orientale du Dniepr qui constitue sur son flanc sud ce que représente le Golan pour Israël à son flanc nord, les Etats baltes et en particulier la Lituanie. La géographie commande la stratégie et le glacis que Moscou entend se constituer par la prédation, puisque toute négociation lui est refusée, est tracé sur la carte.

Certes le corridor de Suwalki, partagé entre la Pologne et la Lituanie mais qui isole de la Biélorussie l’oblast russe de Kaliningrad, est bien défendu (une brigade de la Bundeswehr va même y être déployée) et les Européens n’ont pas besoin de leur lointain allié pour le tenir. Mais qu’y préserve-t-on : la liberté de l’Europe ou l’installation de bases américaines ? C’est la question de la présence de leurs troupes sur le territoire des pays de la ligne de front dont les Américains découvrent, un peu tard, qu’elle les entraîne à cette confrontation directe qu’ils refusent. Car tant qu’existe le projet d’avancer la bannière étoilée le plus près possible des frontières russes, rien ne peut être solutionné et Emmanuel Macron avait reconnu la légitimité de cette crainte le 3 décembre 2022 [3]. Risquer une guerre pour maintenir la Finlande et les Etats baltes dans l’OTAN n’a dès lors aucun sens.

« Le moyen de revenir sur ses pas, quand on a parcouru un espace immense ? s’interrogeait Diderot. La vanité s’y oppose ». Sans préjudice de l’évolution du conflit ukrainien, il n’y a pourtant d’autre voie, pour nous éviter une nouvelle Guerre de Trente ans, que de constituer un no man’s land militaire entre la Russie et l’Alliance atlantique, avec les Etats baltes et la Finlande sortis de l’OTAN en contrepartie d’un retrait des Russes, hors forces de souveraineté, de Biélorussie et de Kaliningrad mais également d’Ukraine et de Crimée.

L’introuvable défense européenne

L’OTAN est-il alors, comme le disait Macron le 8 novembre 2019, en état de mort cérébrale [4] ? Vive l’Europe de la défense ? Pas vraiment, car il n’est pas simple de passer d’un mécanisme abscons qui ménage l’arbitraire de chacun laissé seul juge de ses intérêts, à une solidarité européenne érigée en a priori mais que ni la fédéralisation et ni l’intégration à marche forcée ne peuvent créer. Si la construction de l’UE parie sur la communauté douanière, commerciale, financière, parlementaire ou diplomatique, la guerre, de par sa nature et parce qu’elle dérange l’âme des nations, ne peut être partagée.

D’ailleurs que veut dire cette notion bien étrange de légitime défense collective prévue par l’article 51 de la Charte de l’ONU auquel renvoie l’Article 5 de l’OTAN ? Suis-je en état de légitime défense si je ne suis pas moi-même attaqué ni même menacé par l’agresseur ?

Le débat récurrent sur une mutualisation de la Force de frappe n’a ainsi aucun sens, puisque le problème qui se posera aux Français est exactement le même qu’aux Américains : puissance nucléaire, ils ne peuvent davantage être au contact direct des Russes, en Ukraine ou ailleurs. Si les Américains comprennent l’intérêt pour eux-mêmes de conserver une zone tampon et d’exclure de leurs intérêts stratégiques les pays de la ligne de front afin de pouvoir, en cas de crise majeure, échanger de l’espace contre du temps, il n’y a aucune raison que la France, qui faisait le même constat par la voix d’Emmanuel Macron le 12 octobre 2022, adopte un positionnement différent [5].

Par ailleurs une défense européenne qui serait la simple translation de l’OTAN ne ferait qu’en conserver les tares. L’organisation n’est pas un instrument de combat, hormis ses composantes nationales, mais une bureaucratie avec ses comités, ses reviews, sa gabegie comptable et sa logistique hypertrophiée qui réduit à la portion congrue les unités combattantes. C’est aussi un standard de matériel trop lourd et trop gourmand qui contraint la France, désormais réintégrée, à abandonner l’expéditionnaire qui lui avait toujours réussi avant Barkhane. C’est surtout, sous prétexte d’interopérabilité, l’intégration jusqu’à l’absurde qui rend nos armées plus vulnérables puisqu’il n’est de chaîne, dit le vieil adage prussien, qui soit plus solide que le plus faible de ses maillons. Il faudra tout refaire, tout repenser, tout reconstruire.

Enfin – et c’est un sujet qui n’est jamais abordé – l’OTAN ne sert à rien aux Etats-Unis qui ont noué des accords bilatéraux avec chacun des membres de l’organisation. Pour se limiter à la France, outre la coopération sur les armes nucléaires, l’absorption dans le dispositif du Pentagone est de plus en plus déroutante, à l’image de la Royale en passe d’être reléguée au rang de seconde US Auxiliary Fleet, son futur porte-avions géant n’étant conçu, plutôt que de mettre en ligne deux navires comparables au Charles-de-Gaulle, que pour s’insérer dans les task forces américaines. Ce sont ces liens qu’il faudra dénouer.

L’été de tous les dangers

Contrairement au Pacte de Varsovie qu’elle avait précédé et qui n’avait appelé sur le moment aucune réplique, l’OTAN n’a jamais été conçue comme une machine de guerre mais, à la demande insistante des Français, pour donner un cadre juridique à la présence des troupes américaines et ainsi les mettre au pied du mur en cas d’invasion plutôt que d’attendre leur intervention trois longues années comme lors des deux guerres mondiales. Mais c’est la paix qui leur a permis de se maintenir, pas l’organisation qui a protégé l’Europe. L’OTAN ne peut qu’échouer devant l’obstacle balte, tout simplement par illusion d’être formatée pour quelque chose qui n’est pas dans son ADN.

L’aveuglement et l’amateurisme des dirigeants européens, l’inflation verbale sur des plateaux TV qu’ils prennent pour le bureau de Carlton Gardens alors qu’ils sont déjà poste restante à Bordeaux, seraient grotesques s’ils n’étaient vains. Serments de moutons de tenir devant le loup, aurait dit Ardant du Picq.

Le prochain sommet de l’OTAN, qui aura lieu le 9 juillet 2024 soit un mois après les élections européennes, sera un crash test face à une très probable poussée offensive des Russes. Vladimir Poutine aura alors présidé les commémorations du 80ème anniversaire de l’opération Bagration, cette offensive générale qui libéra l’URSS de la pression de la Wehrmacht, entamée un 22 juin date des invasions de 1812 et 1941. L’OTAN serait bien avisée de se mettre en état d’alerte au plus tard à cette date : elle n’en fera rien.

« Faut-il trouver bon Waterloo ? », s’interrogeait Victor Hugo dans Les Misérables. Le président russe serait-il ce nouvel agent hegelien de la ruse de l’Histoire qui précipitera l’Europe dans un nouveau suicide, ou au contraire permettra la reconfiguration du continent ? La guerre en Ukraine aura au moins servi à nous rappeler le mensonge des fondations de la maison OTAN, dont on dira peut-être un jour prochain qu’elle aura duré plus longtemps que la Saudi Pro League de football mais coûté beaucoup plus cher. Il faudra alors faire avancer l’Europe. Mais quelle Europe…?

Jean-Philippe Immarigeon

[1] « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. »

[2] https://www.state.gov/translations/french/interview-du-secretaire-detat-antony-j-blinken-avec-darius-rochebin-de-lci-tf1/

[3] « Un des points essentiels, Poutine l’a d’ailleurs toujours dit, c’est la peur que l’OTAN vienne jusqu’à ses portes, c’est le déploiement d’armes qui peuvent menacer la Russie… Ce sujet fera partie des facteurs pour la paix, et donc il faut aussi le préparer : qu’est-ce qu’on est prêts à faire, comment protégeons-nous nos alliés et les États membres tout en donnant des garanties pour sa propre sécurité à la Russie ? A la fin, dans les discussions de paix, il y aura des sujets territoriaux sur l’Ukraine et il y aura des sujets de sécurité collective sur toute la région. »

[4] « Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’OTAN (NATO is becoming brain-dead). […] Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des États-Unis avec les partenaires. Il faut clarifier maintenant quelles sont les finalités stratégiques de l’OTAN. […] C’est quoi l’Article 5, demain ? »

[5] « La France a une doctrine nucléaire, elle repose sur les intérêts fondamentaux de la Nation, et ils sont définis de manière très claire. […] Ce n’est pas du tout cela qui serait en cause s’il y avait par exemple une attaque balistique nucléaire en Ukraine ou dans la région. »

 

Avocat, docteur en droit, essayiste et historien, il collabore à la Revue Défense Nationale depuis 2001 et a publié de nombreux articles dans diverses revues (Harper’s, Conflits, Inflexions ou Krisis), ainsi que plusieurs essais dont American parano, Sarko l’Américain et L’imposture américaine (Les Pérégrines, 2006, 2007 et 2009), La diagonale de la défaite (Les Pérégrines, 2010), et Pour en finir avec la Françamérique (Ellipses, 2012).

Bilan hebdomadaire n° 85 du 6 avril 2023 (guerre d’Ukraine)

Le front est globalement stable au cours de ce mois passé. La réélection de V. Poutine marque la dimension politique du conflit (mais aussi les attentats de Moscou).

Source : poulet volant (ici)

Déroulé des opérations militaires

Pas de bateau russe coulé ce mois-ci par les Ukrainiens.

Frappes de longue portée : En revanche, les frappes de longue portée ont repris des deux côtés. Les Ukrainiens visent les infrastructures pétrolières. En 2024, 16 raffineries russes sur 38 ont été frappées ce qui ne signifie bien sûr pas qu’elles soient hors d’usage. Selon Macette (ici), Reuters évalue à 14 %, la diminution de la capacité de raffinage provoquée par les frappes. Cela ne tient pas compte d’éventuelles réparations. Si le pétrole raffiné rapporterait moins qu’avant, la Russie continue d’exporter du brut.

Les Russes quant à eux ont repris leurs frappes dans la profondeur, mêlant drones de longue portée, missiles de croisières, missiles balistiques etc. Alors que l’an dernier ils visaient des sites plutôt opérationnels et notamment les sous-stations de distribution électriques, ils semblent viser cette année les centrales de production, ce qui provoque de vraies coupures de courant à travers le pays. Cela handicape aussi la logistique ukrainienne, puisque les locomotives sont électriques et que l’écartement des voies, différent de celui en Europe, ne permet pas une substitution par des tractrices diesel.

Front sud : Peu de changement dans le secteur de Robotyne que les Russes n’ont toujours pas conquis. Quelques combats ont été signalés vers Grand Novosilka (zone de Staromaiorske).

Front de Donetsk. C’est toujours celui où les Russes continuent de pousser.

Au sud, pas de grand changement à hauteur de Novomylhailivka, verrou arrière de Vouhledar. Un peu plus au nord, à hauteur de Marinka, légère progression russe le long des étangs de la rivière Osykova, les lisières du village de Heorhhivka sont atteintes.

A l’ouest d’Avdivka, le front s’est établi lentement le long de l’axe Orlivka (tenu par les Russes), Semenivka (sur la rivière Dournaya) et Berdichi (pas encore totalement investi). Au sud de ce secteur, les Russes poussent à l’ouest de Tonenke et de Pervomaiske en direction de la rivière Vodiana.

Pas de changement entre Donetsk et Bakhmout.

Front de Bakhmout : Ivanivske n’est toujours pas complètement investie par les Russes. En revanche, ils ont grignoté un peu au nord et atteint les premières maisons de Chasiv Yar (mais à l’est du canal).

Dans le secteur de Siversk, quelques grignotages russes vers Berestove. Quelques combats vers Bilohorivka.

Front de Svatove/Koupiansk. Rien à signaler.

Front de Kharkiv : Une légion russe de libération a encore fait quelques coups de feu du côté de Belgorod, la veille de l’élection présidentielle. On s’interroge encore sur l’utilité de cette action qui n’a pas dû forcer le transfert de trois territoriaux russes et qui apportait de l’eau au moulin de la propagande russe en expliquant que les Ukrainiens attaquaient le pays.

Analyse militaire

La semaine du 17 mars, la Russie n’avait grapillé que 10 km², 17 km² la semaine du 24 mars, 4 km² la semaine du 31 mars et 15 km² cette semaine du 7 avril.

Autrement dit, force est de constater que la Russie n’a pas gagné grand-chose au cours du mois de mars. Pourquoi ? Plusieurs hypothèses viennent à l’esprit. Elles peuvent être compatibles entre elles.

  • Malgré un rapport de feu écrasant en sa défaveur, l’Ukraine a réussi à s’enterrer et à contrer les attaques russes, grâce à ses drones armés. Elle a même localement relancé une ou deux actions offensives avec quelques gains limités. Cela démontre sa résilience et une meilleure habileté tactique.
  • La météo défavorable (dégel saisonnier, augmentation des boues et des pluies) n’est pas favorable à des actions offensives russes. Le feu (voire l’excellent article sur le RAPFEU écrit par le LCL (R) Aubagnac ici) ne suffit pas. Il faut attendre les beaux jours.
  • Les élections présidentielles en Russie ont imposé de calmer les efforts sur le front. On envoie moins de troupes à l’assaut de façon à éviter un afflux de linceuls à l’arrière ou la possibilité de désillusions tactiques. Le ralentissement serait alors temporaire.
  • L’adaptation de l’armée russe a été conduite depuis deux ans. Elle est moins soviétique qu’avant et s’est « infanterisée », selon le mot de M. Goya (ici). Dès lors, si elle sait mieux étager ses assauts, mieux économiser ses hommes, elle ne sait toujours pas organiser de grandes manœuvres pour exploiter les trous qu’elle aurait pu créer.
  • L’armée russe continue sans état d’âme sa stratégie de l’attrition et du casse brique. Elle sait que le différentiel industriel et humain joue en sa faveur. Elle continue à frapper sans relâche, attendant le moment d’un écroulement localisé du front où, sans talent, elle pourra exploiter. Le grignotage de territoire n’est pas l’indicateur de son succès (ce qui serait dommage pour l’observateur puisque justement, les changements territoriaux sont objectivement mesurables, non les pertes ni l’usure). Un autre signe de cette stratégie serait l’intensification des frappes sur les arrières, destinées cette fois-ci à casser systématiquement l’infrastructure.
  • Même si la Russie s’est adaptée à la guerre (mobilisation partielle, recrutements, intensification de l’appareil industriel, …) elle continue de souffrir. La lenteur lui convient. Le ralentissement est structurel.
  • Si les Russes se sont adaptés, les Ukrainiens aussi. Ils ont construit leur propre ligne Surovikine et rendent la monnaie défensive de la pièce à la poussée russe. Décidément, cette guerre confirme l’affirmation de Clausewitz qui donnait un avantage structurel à la défense.

Que tirer de tout ceci ? Tout d’abord, que les Ukrainiens n’ont plus l’initiative. Ils se contentent de résister là où les Russes poussent, ici au sud, là à Avdivka, ou encore à Ivanivske ou Koupiansk. Nous ne savons pas deux choses : l’ampleur des pertes subies et le niveau d’engagement des réserves. Macette (ici) donne un niveau de pertes et de 2 pour 1 mais il explique (ailleurs) que ce niveau de pertes est celui du matériel. C’est inquiétant pour deux raisons : cela signifie que le niveau de pertes humaines doit être moindre (donc non loin de 1 pour 1) ce qui, dans la durée, avantage les Russes. Et surtout, cela signifie que les Ukrainiens perdent encore beaucoup de matériel alors qu’ils ne sont plus recomplétés. On lira ainsi ce témoignage de Il Siciliano qui montre que les flux vers l’Ukraine sont réduits à rien (ici).

Autrement dit, le dispositif ukrainien s’étiole. Ils continuent de résister avec rage mais l’on ne voit pas les voies qui leur permettrait de reprendre l’initiative. Ils semblent condamnés à subir et à espérer que les Russes ne changent pas d’approche.

Quels peuvent être les scénarios devant nous ?

  • Les Russes continuent leurs frappes mais les Ukrainiens, grâce à leurs drones, réussissent à déjouer toutes leurs tentatives. Ils arrivent même ici ou là à prendre des initiatives localisées pour gagner des localités peu importantes mais symboliques.
  • Les Russes poursuivent leur stratégie actuelle d’attrition. Mais cela ne leur donne que des gains limités (15 à 20 km² par semaine, soit moins de 1000 km² d’ici la fin de l‘année). Au fond, ils ne veulent pas gagner sur le terrain mais ils attendent l’arrivée de Trump au pouvoir ou, si Biden est élu, la poursuite du blocage de l’aide au Sénat américain. Bref, Moscou cherche ici une dominante plus politique que simplement militaire.
  • Les Russes poursuivent voire intensifient leur stratégie d’usure, en espérant un effondrement localisé du front et l’impossibilité pour les Ukrainiens de venir boucher le trou avec des réserves. Cela leur permet d’acquérir d’un coup une plus grande portion de terrain, avant de recommencer. Il s’agirait par exemple de combler le saillant de Siversk ou de réduire le point avancé de Vouhledar. A leur mesure, sans changement radical de de leur système opérationnel actuel.
  • Les Russes préparent une grande offensive. Cela suppose d’une part la poursuite de l’usure pendant encore quelque temps, puis un débouché massif sur un secteur délaissé du front (au nord vers Koupiansk voire Kharkiv ? au sud vers Houliapolje ?). Rien ne montre aujourd’hui que les Russes soient capables d’un tel agencement opératif mais il faut toujours se méfier de notre attitude consistant à prolonger les courbes. L’innovation demeure à l’œuvre dans ce conflit, y compris au niveau tactique. Ainsi, les Russes ont opéré ces dernières semaines quelques tentatives de percées blindées (qui ont été déjouées par les Ukrainiens) y compris avec des chars de contre mesure électronique, signe qu’ils expérimentent des choses. Bref, continuons à nous méfier d’eux.

Si les scénarios extrêmes (1 et 4) sont improbables, il faut donc s’attendre à quelque chose entre le 2 et le 3.

Analyse politique

La période écoulée a d’abord été marquée par ce qui s’est passé à Moscou. L’élection de V. Poutine était attendue et n’a surpris personne. En revanche, les observateurs avisés attendant les suites que cela allait donner, notamment en termes de mobilisation. Or, le ministre de la Défense Choïgou a présenté des mesures pour augmenter les capacités conventionnelles de la Russie : il évoque ainsi la formation de deux armées interarmes, 14 divisions et 16 brigades d’ici la fin 2024. Dans le même ordre d’idées, il a visité l’usine de fabrication de bombes guidées (les FAB, version russe des JDAM américaines). Cet affichage vise à démontrer la montée en puissance de la Russie sans aller à des mesures extrêmes.

Le 22 mars, un attentat au Crocus hall à Moscou faisait 139 morts et 182 blessés. Revendiqué par l’Etat Islamique, exécuté par des Tadjiks, il a rappelé l’existence du djihadisme international même si Moscou et notamment Poutine ont voulu au début faire le lien avec l’Ukraine. Cependant, 15 jours après, ce récit ne semble plus vraiment tenu, au point que le ministre français de la Défense, S. Lecornu, a appelé le 4 avril son homologue pour évoquer l’affaire : petit signe que la thématique de l’antiterrorisme est acceptée à Moscou. Notons que le 15 mars, les ministres de la défense russe et américain s’étaient déjà parlé à la suite de l’incident d’un drone américain abattu au-dessus de la mer Noire).

Les déclarations du président Macron qui avaient suscité beaucoup de réactions ont finalement peu bougé les lignes. Personne n’imagine sérieusement que l’on envoie des troupes combattantes en Ukraine, ce qu’a rappelé A. Blinken lors de sa tournée européenne. Les débats se portent ailleurs. Ainsi a-t-on vu l’Otan s’organiser pour être le réceptacle de l’aide internationale à l’Ukraine, façon de protéger les choses en cas d’élection de Trump, ou encore de proposer un fonds de 100 G€ sur cinq ans pour aider l’Ukraine. L’essentiel était de fêter les 75 ans de l’Alliance, les 3 et 4 avril. En attendant un sommet des chefs d’Etat prévu en juin à Washington (quand J. Biden est encore président).

Le débat a dès lors évolué. Ce 7 avril, le président Zelensky a rappelé que « si le Congrès n’aide pas l’Ukraine, l’Ukraine perdra la guerre ». Il le fait après avoir, le 3 avril (jour de la réunion des ministres de la défense à Bruxelles), décidé d’abaisser l’âge de la mobilisation de 27 à 25 ans. Le sujet porte à beaucoup de controverses en Ukraine. Beaucoup ont le sentiment que c’est une goutte d’eau dans l’océan. Mais aujourd’hui, Kiev n’a plus qu’un seul objectif : tenir.

OK

LV 239 : Le long chemin tunisien | Où est le front ? | Lorgnette : Mornes J.O.

Lettre de La Vigie du 3 avril 2024

 

Le long chemin tunisien

Après une décennie perdue, la Tunisie qui fut à la pointe des révoltes arabes s’en est remis à Kaïs Saïed. Populiste préparant sa réélection à la fin de l’année, personne ne sait s’il a un plan ou s’il s’enfermera dans des certitudes sans projet. La France a oublié la Tunisie. Ce silence doit être mis à profit pour retisser des liens.

Pour lire l’article, cliquez ici

Où est le front ?

Curieusement, nos dirigeants nous expliquent que nos armées sont engagées sur le « flanc est ». Mais alors, si la zone entre le Cap Nord et le Caucase est le flanc, où est passé le front? Que cache ce non-sens géographique, tactique et doctrinal ? Par conséquent, ayons le courage de regarder le front en face.

Pour  lire l’article, cliquez ici

Lorgnette : Mornes J.O.

Paris accueillera les Jeux Olympiques cet été et force est de constater que l’enchantement n’est pas au rendez-vous. Les plus anciens se souviennent de la bonne humeur et de la fierté qui entouraient les JO d’Albertville, en 1992. Rien de cela cette année. D’une part, la situation géopolitique ne rend pas l’atmosphère très optimiste et chacun pressent que les Jeux peuvent être l’occasion de graves perturbations, qu’il s’agisse de cyberattaques ou d’attentats.

Ensuite, la magie olympique a disparu et cette grande machine médiatique produit beaucoup de bruit mais pas forcément du rêve. L’amateurisme s’est tellement évanoui, la machine à fric est tant visible que personne ne croit vraiment au spectacle. Les tarifs annoncés sont fous, dans les stades comme dans les hôtels.

Enfin, les perturbations de la vie quotidienne sont déjà présentes et s’accélèrent. Les grands travaux de transport ne seront pas terminés et les autorités municipales, régionales voire nationales s’ingénient à décider des absurdités, encourageant les Parisiens et les Français à fuir la zone.

Avec une telle communication répulsive, comment voulez-vous que la fête commence ? Des JO à fuir ?

JOVPN

Abonnés : cliquez directement sur les liens pour lire en ligne ou téléchargez le numéro pdf (ici) (ou ici pour la version anglaise), toujours avec votre identifiant/mot de passe. Nouveau lecteur : lisez l’article au numéro, en cliquant sur chaque article (2,5 €), ou alors en vous abonnant (abo découverte 17 €, abo annuel 70 €, abo. orga 300 € HT) : ici, les différentes formules.

Crédit photo : Gwenaël Piaser on VisualHunt.com

 

 

Le long chemin tunisien (LV 239)

Après une décennie perdue, la Tunisie qui fut à la pointe des révoltes arabes s’en est remis à Kaïs Saïed. Populiste préparant sa réélection à la fin de l’année, personne ne sait s’il a un plan ou s’il s’enfermera dans des certitudes sans projet. La France a oublié la Tunisie. Ce silence doit être mis à profit pour retisser des liens.

This content requires that you purchase additional access. The price is 3.00€ 3.00€ or free for our Abonnement 3 mois et Abonnement 1 an members.

Acheter cet article (3.00€) Choisir un abonnement

Où est le front ? (LV 239)

Curieusement, nos dirigeants nous expliquent que nos armées sont engagées sur le « flanc est ». Mais alors, si la zone entre le Cap Nord et le Caucase est le flanc, où est passé le front? Que cache ce non-sens géographique, tactique et doctrinal ?  Par conséquent, ayons le courage de regarder le front en face.

This content requires that you purchase additional access. The price is 3.00€ 3.00€ or free for our Abonnement 3 mois et Abonnement 1 an members.

Acheter cet article (3.00€) Choisir un abonnement

Le RAP FEU ART en Ukraine (G Aubagnac)

Depuis que nous traitons de la guerre d’Ukraine, nous avons relancé la notion de RAPFEU (rapport de feu) qui vient compléter celle de RAPFOR (rapport de forces). Au début, en décembre 2022 (ici), nous ne savions pas très bien si la notion était usitée par nos anciens, notamment artilleurs. C’est pourquoi nous sommes très reconnaissants au Lieutenant-Colonel (ER) Aubagnac, ancien conservateur du musée de l’artillerie, de nous faire le point sur cette notion qui depuis s’est largement diffusée chez les analystes. La guerre d’Ukraine nous l’a fait redécouvrir. Merci à lui. LV.

Source photo ici

Le conflit en Ukraine a rappelé, depuis deux ans, quelques fondamentaux de l’art de la guerre connus depuis la motorisation du fait guerrier[1] et que les guerres périphériques menées par la France depuis 1962 avait fait en partie oublier[2]. L’infanterie est nécessaire pour tenir le terrain ; l’artillerie permet de conquérir ou de sauvegarder de grands espaces profonds ; les chars donnent de l’amplitude à la manœuvre ; le génie est nécessaire dans l’aménagement du terrain ; les transmissions rapides et sécurisés participent à la cohérence d’une ensemble complexe ; la maîtrise des airs donne de la liberté au sol ; la logistique est la reine des batailles. Et la quantité est aussi une qualité. Bien sûr il y a des nouveautés : le cyber et les drônes.

Le chef d’état-major de l’armée de terre, avec une grande honnêteté, vient de déclarer le 19 mars 2023 : « Les nouvelles formes de conflictualité s’ajoutent aux anciennes sans les remplacer : la guerre électronique n’est pas exclusive de corps-à-corps dans les tranchées ; les attaques cyber de duels d’artillerie ; les manipulations informationnelles de combats urbains maison par maison ; les missiles hypervéloces de frappes de drones à bas coût. » [3]

La guerre en Ukraine a aussi montré que nous étions encore très loin de l’emploi de l’artillerie et des consommations de munitions durant les deux guerres mondiales[4]. En effet, durant l’été 2023, il a fallu redécouvrir la question du nombre de canons et des approvisionnements en obus, domaine de l’artillerie sol-sol. Ce seul sujet va être traité ici dans un souci de vulgarisation même s’il faudrait pour être exhaustif traiter la question des missiles et des roquettes qui permettent de prendre en compte la profondeur du champ de bataille, y compris les arrières et les lignes logistiques mais dont l’emploi relève parfois plus du registre politique que strictement militaire.

Continue reading « Le RAP FEU ART en Ukraine (G Aubagnac) »

LV 238 : Dissuasion et contournement | Impossible victoire | Lorgnette : Implosion de la Cédéao ?

Lettre de La Vigie du 20 mars 2024

Dissuasion et contournement

La nature même de la guerre en Ukraine nous interroge sur le rapport entre dissuasion et action conventionnelles. La recherche d’une intégration complète des actions militaires, au travers d’une approche en milieux physiques et champs immatériels, offre de manière paradoxale des possibilités plus fortes de contournement de la dissuasion par le bas du spectre. Cette question d’un éventuel contournement apparaît d’ailleurs de plus en plus critique pour l’Alliance atlantique, avec les enjeux liés à la crédibilité des moyens et à la solidarité entre Alliés, à l’heure des élections américaines.

Impossible victoire

Le mot de victoire paraît évident mais il recèle bien des pièges, tant il est marqué par l’histoire et un modèle occidental de la guerre. Or, les conflits de l’après-Guerre froide et les guerres les plus récentes montrent l’inadaptation de ce concept. Il nous faut repenser la victoire et la considérer comme une illusion : d’autres objectifs doivent être recherchés.

Lorgnette : L’implosion de la CéDéAO ?

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) vit des moments difficiles. Cette organisation « sous-régionale » (comme dit le jargon africain) réunissait 15 membres d’Afrique de l’Ouest et du Sahel, du Nigéria au Sénégal et au Niger (mais sans la Mauritanie qui l’a quittée en 2000). Ayant une vocation à l’origine économique, elle s’adjoint à la fin des années 1990 une mission sécuritaire (création de l’Ecomog). Elle s’essaya à la médiation de crise (Mali 2013, Gambie 2017). Ses membres discutèrent à partir de 2019 d’une monnaie commune qui pourrait remplacer le franc CFA. Elle attirait puisque le Maroc et la Mauritanie demandèrent en 2017 à la rejoindre.

Mais les coups d’État à partir de 2021 entravent ce processus. Mali et Guinée sont suspendus, suivis du Burkina-Faso, quand le Niger voit ses transactions commerciales exclues et que certains évoquent une intervention militaire de l’organisation pour rétablir le président Bazoum. La rupture s’accentue puisqu’en janvier 2024, le Burkina, le Mali et le Niger annoncent quitter l’organisation. Le cœur sahélien s’éloigne du golfe de Guinée. L’avenir est incertain, comme suspendu.

JOVPN

Abonnés : cliquez directement sur les liens pour lire en ligne ou téléchargez le numéro pdf (ici) (ou ici pour la version anglaise), toujours avec votre identifiant/mot de passe. Nouveau lecteur : lisez l’article au numéro, en cliquant sur chaque article (2,5 €), ou alors en vous abonnant (abo découverte 17 €, abo annuel 70 €, abo. orga 300 € HT) : ici, les différentes formules.

Crédit photo : Djof on VisualHunt.com

Dissuasion et contournement (LV 238)

La nature même de la guerre en Ukraine nous interroge sur le rapport entre dissuasion et action conventionnelles. La recherche d’une intégration complète des actions militaires, au travers d’une approche en milieux physiques et champs immatériels, offre de manière paradoxale des possibilités plus fortes de contournement de la dissuasion par le bas du spectre. Cette question d’un éventuel contournement apparaît d’ailleurs de plus en plus critique pour l’Alliance atlantique, avec les enjeux liés à la crédibilité des moyens et à la solidarité entre Alliés, à l’heure des élections américaines.

This content requires that you purchase additional access. The price is 3.00€ 3.00€ or free for our Abonnement 3 mois et Abonnement 1 an members.

Acheter cet article (3.00€) Choisir un abonnement

Impossible victoire (LV 238)

Le mot de victoire paraît évident mais il recèle bien des pièges, tant il est marqué par l’histoire et un modèle occidental de la guerre. Or, les conflits de l’après-Guerre froide et les guerres les plus récentes montrent l’inadaptation de ce concept. Il nous faut repenser la victoire et la considérer comme une illusion : d’autres objectifs doivent être recherchés.

This content requires that you purchase additional access. The price is 3.00€ 3.00€ or free for our Abonnement 3 mois et Abonnement 1 an members.

Acheter cet article (3.00€) Choisir un abonnement

Dissuader la Russie d’attaquer un pays européen (JD)

Dans le prolongement du billet sur la dissuasion européenne publié dans LV 237, voici une réflexion diffusée par la Revue politique et parlementaire le 8 mars. Elle propose une forte mise en évidence de la solidarité militaire des Etats membres de l’Union européenne liés par l’engagement du traité de Lisbonne (§ 42-7) à laquelle la France apporte la caution de sa dissuasion nucléaire stratégique. Mieux que tout engagement militaire au sol en Ukraine, elle protège les pays européens de la ligne de front d’une agression russe qu’ils redoutent et impose une désescalade en Ukraine.

Crédit photo : www.revistaejercitos.com

Continue reading « Dissuader la Russie d’attaquer un pays européen (JD) »

Bilan hebdomadaire n° 84 du 10 mars 2023 (guerre d’Ukraine)

L’Ukraine a réussi à stabiliser l’avancée russe. Beaucoup d’activité diplomatique avec des déclarations très fermes mais controversées du Pdt Macron.

 

 

Source : Clement Molin (ici)
Continue reading « Bilan hebdomadaire n° 84 du 10 mars 2023 (guerre d’Ukraine) »

LV 237 : Dissuasion européenne | Souveraineté économique | Lorgnette : Elections en Iran

Lettre de La Vigie en date du 6 mars 2024

Dissuasion européenne

Les récents propos du candidat Trump conditionnant la protection américaine dans l’Otan à l’effort de défense européen ont relancé le débat sur la dissuasion européenne. En cas de défaut stratégique américain à l’égard des alliés européens, la force de frappe française pourrait-elle prendre le relais pour sanctuariser les pays de l’UE ? LV fait un point de situation détaillé de cette question sensible à un moment où la pression russe se fait particulièrement agressive.

Pour lire l’article, cliquez ici

Souveraineté économique

Le retour en grâce du terme souveraineté ne doit pas cacher les difficultés qu’il sous-entend : est-on souverain dans un domaine lorsqu’on ne maîtrise pas tous ses éléments constitutifs ? L’État a-t-il les moyens de défendre les entreprises qu’il compte conserver souveraines ? La souveraineté peut-elle faire fi du management des entreprises et de leur forme juridique ? Alors que le monde a profondément évolué, une nouvelle acception du terme souveraineté s’avère nécessaire.

Pour lire l’article, cliquez ici

Lorgnette : Elections en Iran

Les élections iraniennes se sont déroulées vendredi dernier : elles sont marquées par une abstention record (41 %) même si officiellement les conservateurs ont gagné. À vaincre sans péril on triomphe sans gloire. Cette hostilité marque la déception d’un pays à l’encontre des résultats du pouvoir : les aspirations à plus de liberté se succèdent avec un énième mouvement de révolte (LV 202), en septembre dernier, après le décès de Mahsa Amini qui ne respectait pas le voile sur la tête, révolte encore une fois réprimée dans le sang. Mais les difficultés économiques pèsent aussi (50 % d’inflation).

En désignant l’Assemblée des experts, l’élection prépare aussi la succession du « guide », Ali Khamenei, qui a 88 ans. En verrouillant à ce point la société, le régime montre une certaine fébrilité intérieure alors pourtant que sa diplomatie marque des points, réussissant à renouer avec l’Arabie Séoudite et évitant la confrontation avec Israël tout en incarnant le camp du refus. Les relations avec la Russie et la Chine ont été renforcées.

Ainsi, l’Iran attend les élections américaines (en pariant sur Trump) et la succession du Guide. Le ciel peut attendre. Le peuple iranien aussi.

JOVPN

Abonnés : cliquez directement sur les liens pour lire en ligne ou téléchargez le numéro pdf (ici) (ou ici pour la version anglaise), toujours avec votre identifiant/mot de passe. Nouveau lecteur : lisez l’article au numéro, en cliquant sur chaque article (2,5 €), ou alors en vous abonnant (abo découverte 17 €, abo annuel 70 €, abo. orga 300 € HT) : ici, les différentes formules.

Crédit photo : Mammut chez Pixabay (ici)